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Sans rime ni raison
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 Article publié le 8 mars 2015.

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A Philippe Lacoue-Labarthe
in memoriam


-1-

Cela Celan le sut
Cela qui, sans nom, les emprunte tous
Et la barbe tord le cou du pur sens
Licol de mots posé sur le cheval fou
Que la plaine humide emporte

Tübingen a donc plus d’importance que tu le ne crus
A l’époque de ta première lecture
Tu étais plus jeune alors, et bien fatigué 

Qu’il ne m’arrive rien
Que, par et dans le poème, rien n’arrive que le rien
Que sur fond de rien, d’insignifiant, d’insignifiance
Des mots s’en prennent à la parole
Et qu’une parole alors, tout de même jaillisse,
Perle de néant
Comme sur le fond noir d’une imposture si grande
Qu’elle défie le temps et les hommes, 
Le temps des hommes et les hommes de tous les temps 

J’irai, chemin faisant, jusqu’au bout
De l’expérience 
Mais qu’en saurez-vous que vous ne sachiez déjà ? 
A bout d’expérience jamais
Refusant aux uns l’arrogance des vainqueurs,
Ces trop courts rètres-rhéteurs empesés
Admirant chez d’autres la stridence
Guettant chez tous l’insolite
Qui arrête

Par un froid si dur, rêtre
Singularité implosée qui fait signe en mémoire d’un vertige 
Poèmes en archipels
Entre lesquels infiniment naviguer
Dans la distance toujours maintenue
Et que là où rien n’advient que le rien,
Dans ce vertige, 
Une parole, entre tant d’autres, adverses ou amicales, 
Se fraye un chemin dans ton cœur

Peut-être alors, de seuil en seuil, 
Dans le seul espace libre qu’il te reste
Dans ce chant venu de toi sans toi
Echapperas-tu au vertige

Au fil de l’eau, l’angoisse démêlée 
Loin de la tour, loin du Neckar
Mais proche du fleuve qui coule en toi 

Trop de sang dans la scène
Dans cette Seine qui en a vu d’autres 
Et qui un jour d’avril t’emporta, toi,
Ami sans fin

 

-2-

Amas de mots 
Mots démâtés 
Sans capitaine, sans même un navire 
A gouverner 

Cumulative grandeur
Eparse, livrée à l’eau glacée 
Panier percé
Vide amoncelé 
Canons coulés 

Magma de mots brûlants 
Que des clercs, en d’obscurs commentaires,
S’acharnent à élucider 

Le prolixe volcan s’est tu 

Le remblaiement verbal de l’ami
Dit l’autre 
L’autre du mot qui vient de par les choses 

Les yeux du vent récusent le banal cumul 
Scrutent le va et vient 
De la pelle à la terre, de la terre à la pelle 
Pour qu’un remblai renaisse 

Traquer le sublime
Ne lui laisser aucun répit
Mordre la poussière
Eructer 
Se jeter nu dans la bataille 

Que le mot advienne en fureur au contact de la chose
Comme la graine dans la grenade éclate 
Sème la venue de l’inexorable 

Que la chose déplie-déploie le mot
Délie la langue
Fasse de la navrante réalité le calque d’un non-dit
Embarrasse l’éloquence-même 
L’amère éloquence 

Rumeur de mer dans les blés encore jaunes 
Nous ne jeunerons pas ce matin 
Fraises des bois et ail des ours
Pour seul ordinaire à midi sonnant 
A la nuit tombée, un festin de roi pour nous,
Gueux que nous sommes 

Jean-Michel Guyot
23 février - 3 mars 2015

 

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