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![]() oOo ![]() Je confesse que je me fous éperdument de ce qui se passera une fois que je ne serais plus là pour regarder. Et en ce moment, je ne fais que regarder. Ne comptez pas sur moi pour agir. Je ne dis pas que je me complais dans l’inaction. En vérité, je ne m’y sens pas bien. Mais alors pas du tout. Pourtant, je ne bouge pas. Je regarde. Sinon, je suis comme tout le monde : je me nourris. Et pour me nourrir, je rends service. Ça fait de moi un larbin. Mais ai-je les moyens de me comporter comme un chef ? Non. Et ai-je pensé une seconde à me situer en dessous du domestique ? Non plus. Voilà, voilà. Comme on dit : Plein le cul ! Si vous me cherchez, je suis à la fenêtre. Ma fenêtre. Mais je ne l’ouvre pas pour qu’on me fasse des signes quand on passe devant. Et si vous faites des signes, s’il vous plaît, qu’ils soient simples. Je ne répondrais à aucune esthétique du noir. Et à aucune manifestation de la complexité qui vous chagrine ou vous rend dépressif. Je ne soigne rien chez les autres. Et quant à ma petite santé, je m’y accroche sans espoir de la conserver. Un jour ou l’autre, j’irai voir le docteur. J’ai vécu, ah ça, j’ai vécu ! Et il me reste encore pas mal de chemin à faire. Entre vos nécessaires compliments et le spectacle de ma fenêtre. Notez que je m’intéresse plus à ma fenêtre qu’à ce que j’y vois. Vous ne saurez jamais ce que je regarde quand vous me voyez. Votre reflet me salue dans la vitre. Bref, vos romans m’ennuient et vos poèmes m’agacent. Qu’y puis-je ? Me lisez-vous ? Si vous montez, n’oubliez pas le paillasson. Et pas de blague du genre « Police ! Ouvrez ! » — j’ai le cœur fragile. Et l’humeur parfois féconde en vacheries. Tiens, vous voilà ! J’écris Paludes. Mais que ceci ne vous empêche pas de vous asseoir. Et de boire. Et de commenter la couleur de mon visage. Et de ne rien dire des effets du syndrome de la Tourette sur ma voix. Elle tremblote toujours un peu en fin de journée. Vous verrez qu’il n’en sera rien dimanche matin, au saut du lit. Mais ce jour serait mal choisi pour se confesser. Le vent est agréable, presque tiède, mollasson. Un peu de lumière s’est posée sur votre front. Je connais ce regard. Sortons. Et nous sortons. La rue jubile quand le soleil l’inonde de reflets de vitre. Nous marchons entre nos semblables. Et pourtant, vous ne me ressemblez guère. Je ne vous en aime pas moins. Trempons la paille dans les jus de nos verres si c’est ce qu’il vous plaît de tenter en ce moment. Vous en profitez pour reconnaître une fois de plus ma maladresse. C’est en craquant une allumette que je perçois cette critique dans vos yeux. Et votre lèvre supérieure taquine vos narines. Tout un poème. Ce n’est pas l’envie de prendre le train qui vous manque. Vous n’en parlez pas. Je déchire une fleur. Je me demande ce que je regarde. Je ne vois rien. Tout ceci est bien confortable. Nous en profitons à notre manière. Et je vous ennuie. Enfin seul, je reviens où j’en étais. Mais la nuit tombe. Les vitrines s’éteignent, mouchées. J’éteins moi aussi. Et me laisse envahir par la fraîcheur. On peut mourir ainsi, surpris par soi-même. Quelle importance ce qui arrive ? Pourvu que ça n’arrive pas trop vite. Comment opérer ce ralentissement nécessaire à la survie ? Et pourquoi y consacrer tant de ce temps précieux qui finira par manquer ? Voici la nuit. Vous savez mieux que moi ce qu’elle est. Vous en faites un usage si bien pensé. Mes muscles frémissent au contact des draps, mais ce n’est pas vous. Ce n’est rien. J’ai l’habitude. Nous nous verrons demain. Je ne suis même pas sûr que ce sera demain. Je ne sais pas non plus ce que vous en pensez. Ce que je sais de vous a la valeur de l’oubli. Tiens ! Un rêve. C’est à peine si j’en perçois la fausseté. Les murs en témoignent. Mais que voulez-vous que j’en fasse ? Il m’a réveillé. Je ne dors plus. J’ai envie de me confesser. Coucou ! Es-tu là ? Je caresse le mur. Et j’entre dans la porte. La nuit, c’est la porte. J’en oublie presque la fenêtre. J’entre dans le noir. Je m’y perds d’abord. Puis je retrouve l’équilibre. Je sais où je suis. Heureusement, vous n’y êtes pas. Et je me vois comme jamais vous ne m’aimerez. Extase. Voilà. J’en sais assez pour occuper une place nourrissante. J’en fais assez pour ne pas passer pour ce que je ne suis pas. Je m’étire. Et vous en jouez. On finira par être complètement d’accord sur les modalités. Cela arrive tous les jours. Pas vous ? Pas encore. Attendons. Vous savez donc que je n’attends rien des signes. J’y perçois de faciles solutions. Sinon seraient-ce des signes ? On a vite fait de les prendre pour des oiseaux. Faut-il s’appuyer sur l’air pour voler ? Ou provoquer une poussée ? Nous ne ferons ni l’un ni l’autre. Vous me suivrez. Et je vous attendrais plutôt. Il n’était pas huit heures quand c’est arrivé. Je finissais à peine de déjeuner. Les discussions ont soulevé les rideaux de ma fenêtre. Ou le vent. Et comme je me penchais, je me suis aperçu que c’était vous qui faisiez l’objet de ces conversations souterraines. Vous gisiez, jusqu’à la culotte, sur le trottoir. Avais-je déjà vu une bouche si grande ouverte ? Je descendis. Vous étiez morte. On me porta. Était-il possible que vous ne fussiez plus de ce monde ? Je posais la question. On me piqua. Et je trouvais un calme facile. On me pria de ne rien faire. Je ne fis rien. Je me laissais porter. Où ? Allez savoir. Mais par où étais-je descendu ? Par la fenêtre, bien sûr. |
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