Ils n’aimaient que le papier inscrit dans la matière des arbres
N’ont cure de tes soucis, ceux-là
Ne réclament aucun soin particulier
L’arbre des jours heureux
D’un coup de rein se hisser, bras devant amener l’arbre à soi
S’asseoir sur la plus haute branche
Enfin maître des lieux dans ce mystère de vivre
Les feuilles vert pâle fouettent le visage
Olivier de pâle mémoire
Olives noires rutilent sous le soleil acide
Dans la saumure, les baigner longuement
Les presser dans le froid du pressoir
Impossible de vous porter à la bouche sans préalable
Olives, anti-tentation,
Exigent travail, prudence et méthode
Secouer l’arbre, en battre les branches,
Et recueillir les fruits dans les filets
Fruits négligés des oiseaux, ces fines gueules
En faut-il de l’imagination
Pour se figurer en faire cette merveille verte ou noire, violette ou brunâtre !
Les chênes précèdent les oliviers
Qui précèdent les cerisiers d’Ionie dans l’ordre des conquêtes
Les hommes de bonne volonté y ont la part belle
Cerises, fruits faciles, aimés des oiseaux
Chêne massif écoute, se poste,
Vigie des forêts millénaires
L’amer des glands que ne fuit pas la harde sanglière
Tes feuilles lobées, comme autant d’oreilles
Pour entendre dans le vent la parole du dieu tonnant
Que des hommes s’imaginent comprendre
La traitrise du cerisier tueur
Echelles solides posées sur les fragiles branches
Des échelles à foison
Puissant cerisier
Dans ton cœur, l’obus a éclaté
Blessure chargée d’histoire
Les branches si basses invitaient l’enfant à en cueillir les fruits verts
La vigne n’était pas en reste,
Courait le long du haut mur de pierre
Entre ta main et les fruits, une parole de prudence
Un interdit transgressé
Une prudence à l’œuvre
Cueillir sans être vu
Marauder dans le ciel d’été
Comme si les fruits gorgés de soleil n’appartenaient pas tout à fait à la terre nourricière
Pure illusion que cela quand le propriétaire des lieux,
Ces vergers célestes, rappelaient à l’ordre les enfants chapardeurs
Prunes et abricots dans la pâte brisée cuisent doucement à la cuisine
Une main maternelle passe dans tes cheveux
C’est prêt, tu le savais,
Quel bonheur cette odeur de tarte aux fruits !
Le four encore chaud caresse tes joues juvéniles
Comment se lasser d’y puiser tendresse et sécurité,
Bien après que tout et tous se sont tus ?
D’où vient alors cette persistance de la parole rude ou amène ?
Elle traverse la mémoire, transgresse le temps,
Même défaite, humiliée, jetée aux chiens
Tu perds ton temps, naufrageur
Tu n’auras jamais mon suffrage
Je te laisse à ta pauvre armure de mots débiles
A tes euh, à tes épanalepses ineptes
La parole venue des arbres est autrement plus revigorante
Je ne suis pas inquiet, je te rassure,
Vieil homme des tourbières
Ton souffle bleu ne peut pas m’atteindre
Les hommes attablés veillent au grain
Les femmes s’affairent dans les cuisines
Les enfants ont dans les yeux une charge de bonheur
Qui deviendra trop lourde le moment venu
Quand l’enfance chassée des écoles se tournera
Vers le passé
Une sauvagerie à l’œuvre, étrangère à toute barbarie,
Anime les arbres amis
N’étaient les bûches du bûcheron,
Je croirais les haches éteintes pour toujours
Mais bois de chauffe n’est pas destruction
Douce chaleur dans le poile l’automne venu
Les châtaignes embaument
La gelée de coings conjure les premiers frimas
Tôt le matin, il faut y aller,
Tourner le dos aux forêts, aux vergers
Les emporter dans sa bouche
Une mouchure de confiture au coin des lèvres
Le mouchoir du vent agite les images
Tout est enfin clair
Les sombres demeures sont loin
Place à la lumière
Jean-Michel Guyot
31 mai 2015