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Quand je t'attrape
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 Article publié le 7 septembre 2015.

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Quand je t’attrape, je te tanne
Le cul et le cuir chevelu
O mon orgueilleuse satane
Je sais que tu l’as revoulu

Quand je t’attrape ma harpie
Je rogne tes griffes ton bec
Je mets tes ailes en charpie
Et je retourne à mon rebec

Quand je t’attrape salope ointe
Toujours entre deux sacrements
Je te taille une oreille en pointe
Et vante ton tempérament

Quand je t’attrape je te trousse
Comme une vieille poule au pot
En attendant je fais carrousse
Je rince ma tripe au tripot

Quand je t’attrape je vous livre
Toi et mon carcan goguenard
Qui n’avez jamais lu mes livres
Aux instruments de Fragonard*.

Quand je t’attrape je t’étouffe
D’un insatiable baiser
J’ébouriffe toutes tes touffes
L’amour s’enjolive à l’user

Quand je t’attrape je t’immole
Pour tuer le temps rien de tel
Je t’apporte des figues molles
Du pain d’épice un quart Vittel

Quand je t’attrape j’époustoufle
Ton jongleur ton cartomancien
Ton ange et caetera pantoufle
On n’est trahi que par les siens

Quand je t’attrape je t’entraîne
Dans ma farandole sans fin
Le roi de la fève et sa reine
Y meurent de soif et de faim

Quand je t’attrape je te pèle
Le prose comme un triste oignon
Je reprends ma pioche et ma pelle
J’enterre ma vie de trognon

Quand je t’attrape je t’ampute
Je te coupe en petits morceaux
Pour éviter une dispute
Et je me réveille en sursaut

Quand je t’attrape sale bête
Quand je t’attrape je te mords
Et j’écarquille tes gambettes
Le temps de goûter à la mort

Quand je t’attrape dans ma rue
Je te parle de mon quartier
Des maquereaux et des morues
Des grenouilles de bénitier

Quand je t’attrape je t’enferme
Dans une cage à triple tour
Je regagne la terre ferme
La cage est vide à mon retour

Quand je t’attrape sur ma grève
Grise brodée au plumetis
Je t’embarque pour un long rêve
Plein de cris et de clapotis

Quand je t’attrape chez Fombeure
Chez Fort chez Daudet chez Defoë
J’entre dans ta motte de beurre
Ou dans le moulin de Laffaux

Quand je t’attrape tu m’encenses
Et tu me sacres galérien
Puis tu revêts ton innocence
Je pense n’y être pour rien

Quand je t’attrape je te pile
Dans un mortier qui sent l’anchois
L’ail de Lautrec ou je t’épile
Tu n’as que l’embarras du choix

Quand je t’attrape je t’imite
La bouche en cœur le fion serré
Ma patience a des limites
Je regrette mon pré carré

Quand je t’attrape je t’énerve
Je te désosse dans les champs
Je te rime malgré Minerve
Je suis ta lame à deux tranchants

Quand je t’attrape je t’emporte
En trousse sur mon canasson
Jusqu’à la minuit de ma porte
Où je fabrique mes chansons

Je t’attrape
Je t’attrape

 

Robert VITTON, 2015

* Allusion à l’écorché Le Chevalier de l’apocalypse d’Honoré Fragonard né à Grasse en 1732, chirurgien, anatomiste, cousin germain du célèbre peintre Jean-Honoré Fragonard.

 

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