Grikiki revenait de la guerre
Contre des inconnus nés ailleurs.
Il ramenait une blessure,
De la peur et aussi de la haine.
De quoi vous plaignez-vous ?
Dit le citoyen qui n’était pas allé,
Qui n’était même allé nulle part
Pour rester chez lui avec les siens.
De quoi ? Mais de ne plus être
Moi-même ni le fils de mon père !
S’écria Grikiki en montrant
Sa blessure, la peur et aussi la haine.
Ce n’est rien, dit le citoyen, qu’un peu
De chair, de feu et aussi de haine.
N’en ai-je pas moi aussi à revendre
De ces produits venus des Colonies ?
Vous feriez bien de vous remettre
Au travail comme les autres, ceux
Qui ont été et ceux qui ne sont plus.
C’est comme ça qu’on devient président.
Vous ne voulez pas devenir vous aussi
Président de la République ?
Ne me dites pas le contraire !
Tout le monde rêve ensemble.
On ne rêve plus tout seul dans son lit.
Ça ne se fait plus, dans l’urgence.
Laissez faire ceux qui savent pourquoi
Les uns ont tort et les autres raison.
Ne pensez plus à vos blessures,
Ni à la peur qui n’existe pas ici.
Même Renaud ne craint de crever
D’une balle en plein dans les tripes.
Faites comme lui, mentez-vous
A vous-même et devant les autres.
Faites comme si la haine n’en était pas.
Et servez-vous-en, nom de Dieu !
Garde à vous ! Au trot ! Et en avant !
Ce n’est pas fini ! Ça commence !
Pour qui vous prenez-vous, mauvais
Sujet, enfant ingrat, fils de personne ?
La patrie va vous montrer comment
On l’aime quand on s’est battu pour elle.
Nous on sait déjà se faire enculer.
On est resté ici pour ça, monsieur
Le vétéran, oiseau de malheur, SDF !
Ce n’est pas vous qui allez nous apprendre !
Couchez-vous là où on vous dit.
Un fonctionnaire va vous prendre
En charge. Et gare à la rébellion !
On sait aussi les mater, ceux qui ont
Déjà servi ! Tenez-vous-le pour dit !
Et c’est signé : Le Président, ses ministres
Et le Parlement au complet. Dehors !