En passer par le feu
Dans la béance amère du souffle
Et cracher, vitupérer
Tempêter vainement contre la porte fermée
Tambouriner encore et encore
Pour se faire entendre de quelque dieu
Les dévots se recroquevillent sur leur piètre piété
Les opportunistes de la foi pullulent
Tout va bien
*
Dans l’espace clos, le temple
A la vue offerte
Ouvert sur son mystère indolent
Le toit ricane doucement
Le ciel est d’un bleu !
Girouette apaisée
Aucun vent n’y souffle ce jour
Comme si le souffle de quelque dieu
S’était retiré dans les alcôves de son énigme vivante
Objet entre tous convoités par quelques fidèles
Esseulés assemblés
Pièces dispersées d’un vaste puzzle
Inachevé
*
Autel fleuri, faste ou sévère agencement de l’espace,
C’est selon
Dédié aux rites
Mes pas résonnent encore aujourd’hui dans l’obscurité
De l’église madrilène
Plongé dans ma méditation, je m’y suis laissé enfermer
Me voilà piégé dans cet espace vertical
Voué au culte des images
La lourde porte du presbytère grince soudain
Prudemment, je reste planqué dans le confessionnal
Je comptais bien y dormir tant bien que mal
Rideau tiré
Je discerne deux hommes en robe de bure, je crois bien,
Ils traînent sur le sol
Un homme mort sans doute,
Encore vêtu, mais pauvrement
A chacun son bras mort
Ils soulèvent aisément une lourde dalle
Y jettent le corps sans vie
Referment la dalle
Et repartent comme ils sont venus
Silence de mort dans l’église
Sous le regard du dieu
L’ambassadeur de France me conseille vivement de garder le silence
Sur la sale affaire
Nous sommes en 1938
Je suis l’impossible témoin,
Sommé de me taire soi-disant pour mon bien
Putain, si j’aurais su, j’aurais pas venu !
Il fait toujours froid dans les églises
Jean-Michel Guyot
12 octobre 2016