Discours sur la tombe de mon supérieur hiérarchique — A l’abri des intempéries, dans un Bureau chauffé, je m’efforçais de supporter un bourdon de conversations ineptes, émaillées, par moments, de remarques blessantes sur les Juifs. Car cette question, la question juive, avait l’air, visiblement, d’obséder mes collègues – et aussi mes responsables hiérarchiques… Les journées, longues et ennuyeuses, se ressemblaient toutes... Le travail était simple et avait l’avantage de ne pas trop solliciter ma mémoire et ma concentration. On devait appuyer sur les quelques boutons blancs d’un clavier et les disques métalliques de la calculatrice tournaient à une vitesse folle pour donner, en quelques secondes, le produit d’une multiplication… Une somme de chiffres de couleur bleu pâle apparaissait sur un rouleau de papier dont on extrayait un morceau que l’on devait, ensuite, agrafer sur une liasse de bordereaux auxquels je ne comprenais rien. Les conversations étaient noyées dans une mêlée confuse de rires imbéciles...