C’était une jeune étudiante charmante, romantique et timide. Elle allait épouser un chef cuisinier. Lui et moi avions travaillé ensemble dans des salons en région parisienne : j’étais alors maître d’hôtel. Cet été-là, elle était venue le rejoindre au bord de mer en Corse où lui et moi avec d’autres travaillions pour la saison. Je me rappelle du jour où elle est allée lui dire bonjour, alors qu’il travaillait aux fourneaux avec son équipe ; elle était entrée sur la pointe des pieds, impressionnée de l’ambiance masculine qui régnait.
Connaissant ce gars et son comportement machiste vis-à-vis des femmes, j’étais plutôt étonné de ce mariage qu’il m’annonçait avec cette étudiante si sensible. Je faisais un lien avec mon vécu personnel qui concernait Rosanna qui était étudiante elle aussi, et l’association que je faisais entre sa relation et la mienne qui était passée me rendait triste. Déjà, j’avais remarqué qu’il lui parlait mal, comme il le faisait généralement en public avec les autres femmes qui travaillaient plus ou moins directement avec lui et qui étaient sous ses ordres. Elle semblait heureuse malgré tout.
Deux gros palmiers sur la terrasse donnaient le caractère à l’établissement.
Tu vois, je travaille dans un très beau restaurant. Je vois, tu m’impressionnes. Je t’ai invité avec tes parents pour les impressionner aussi. C’est aussi pour moi, une façon de briller devant mes camarades et de les rendre plus ou moins jaloux. Il me dit alors que j’ai du charme en sa compagnie. Je pense qu’elle l’a influencé pour qu’il me le dise en sa compagnie. Son père est professeur de piano, sa mère je ne sais pas. C’est une enfant-femme plutôt qu’une femme-enfant.
La saison terminée, il m’invite à une soirée dans un célèbre club écossais sur les champs-Élysés. Le whisky était à gogo et la salle du club nous était réservée à l’occasion de son mariage. J’en buvais quelques-uns mais je ne savais toujours pas à ce moment-là, pourquoi les Écossais portaient des kilts : je me rappelais seulement vaguement d’un proverbe à ce sujet.