|
|
Navigation | ||
Sériatim 1 - [in "Seriatim"]
Sériatim 24 (Patrick Cintas)
[E-mail] Article publié le 1er septembre 2019. oOo Mécanique des sourds / le chant trois fois programmé : Égalité parfaite des actes / une seringue à son chevet : « je me voyais me voir » — tragédie du survivant / Quelle fut sa dernière pensée ? Un rossignol chantait Dans l’arbre en fleurs / tout chante le matin / les uns En allant au boulot / les autres cheminent : mais lui Plongeait dans le silence / tout entier : ne laissant rien À part cette seringue qui ne contenait plus rien / pas Un mot : rien / et le rossignol quitta sa branche pour Aller se percher sur la borne d’une fontaine qui / je le jure ! / n’existait pas hier : caminante sans doute Attiré par la beauté de ce paysage pastoral : mon nom N’est pas Personne / je n’ai rien compris à l’économie De marché : je n’ai jamais désiré autre chose / que la Possibilité d’atteindre la limite de la perfection : faute De pureté / « je passais par là quand soudain / » ô l’ode ! L’eau de la fontaine ! / presque sa voix maintenant Qu’il est mort / ou : que je suis sur le point de quitter Ce Monde qui ne porte pas mon nom / voyage en rond Déterminé par l’attraction / Quelle est cette beauté Qui ne veut pas se rendre À l’évidence ?
Partout des raisons de donner raison ou tort. « as-tu fini ton repas ? C’est l’heure de dormir. Les rêves ne concerneront jamais les rêveurs d’hier. Prends un fruit et tais-toi. As-tu écrit à ta sœur ? J’ai reçu des nouvelles de ton frère, celui qui voyage au bout du monde. Ah si ton père avait su ! Mais il n’a pas eu le temps. J’ai bien peur que nous n’ayons pas le temps, nous aussi. Finis ton repas et retourne te coucher. N’oublie pas de remonter le ressort de l’automate. Je l’ai payé assez cher ! Je ne retournerai jamais Là-bas ! C’est ici que je veux Finir mon existence, ici Avec toi, ma perle rare ! »
Relisez-vous ou faut-il vous injecter La substance relecture-avec-moi ?
Toute une population Qui finira Par oublier. Notez ça Dans votre carnet « à couverture de cuir rouge »
pinceau trop imbibé : cause des coulures.
Comme pluie sous un vol d’étourneaux. Les passants fuient sous leurs journaux.
Notez ça dans votre carnet « à couverture de cuir rouge »
Ce type cassé sur le trottoir / en proie à son délire : Les flics, les autres, les femmes : la longue liste Des griefs / énumération qui finit par ennuyer Le bon Samaritain / heureusement ce type ne Tient pas debout / l’autre s’enfuit sans prévenir Les secours / estimant sans doute que ce type N’est pas en si mauvais état que ça : le poème De ses fulminations ne l’a pas convaincu / fuir Alors que l’autre est en proie à son délire : est-ce Bien humain ? Des milliers de plaquettes chaque Année : impossible de s’arrêter devant chaque Requérant / la conversation perd son sens / Costume du dimanche : soulier bien cirés / La cravate de travers mais les boutons de Manchettes sont à leur place / ce type passait Un mauvais moment : sans les autres / après Avoir bu avec eux / et fumé / bavardé jusqu’à Épuisement du sujet / ses accès de colère entre Les complaintes / ce qu’il possède est en jeu : Regards obliques des impatients / flics et femmes, Les bornes de son existence / personne en vue / Est-ce le moment de s’apitoyer ?
« je donnerai ma chemise »
« je l’ai déjà donnée »
Linges sur les fils / agissez En concert / donnez Votre chemise.
« je n’ai jamais rien donné »
Yeux plissés dans l’ombre / Donnez / ne reprenez pas. Agissez.
Cortège derrière le mort / des fleurs en couronnes / « soyez généreux »
« je ne vous connais pas » « c’est un hasard si » Chemise d’été / ouverte
Seins qu’on caresse. Agissez. Vous ne le Regretterez pas.
« par hasard » « mort » « fleurs » « plaisir » / Agissements clairs.
« vous reviendrez l’année prochaine » En chemise. Donner.
Ce type (celui du trottoir) a un travail régulier. Même bien payé. Vacances à l’étranger. Avec Ou sans sa femme. « parlez-moi de ce type / sa chemise / la vôtre / métaphoriquement / depuis quand le connaissez-vous ? sa mort vous affecte-t-elle ? de quelle manière ? / »
Je n’ai pas connu le poème dont vous me parlez : J’ai surtout connu le roman / Avec des personnages et des histoires / Des rencontres / des séparations / soledades / Je me promenais autour de la Ville / seul / Je voyais les jeunes filles / celles qui promettaient / les chiens se promenaient aussi / en laisse ou Pas / un chien par chapitre et j’étais content / Si vous saviez ce que j’ai dû subir ! Tout ce que je possédais alors / et rien Sur ma personne / que ces regards en coin : « que me veut-il ? » / jamais ivre mais enclin À l’orgasme / l’ivresse de courte durée / reprendre Ses esprits après le coup / rarement des jeunes filles / si vous saviez ! On ne se ballade jamais assez chez les autres / Cette république qu’on défend / les enfants Qui jouent / les étudiants / les vagabonds : Toute une vie à observer et à me défendre ! Aurons-nous un jour assez de temps Pour nous approcher du langage du dehors ? « je crains que non » / voix venue des profondeurs / Les murs / l’oreille sur les tombes / des fois que ça parle / Que ça finisse par parler : pour tout le monde / Avec ou sans la science : mais avec art /distinction / Nu dans le bassin aux poissons rouges : ou nue / je ne sais plus qui j’étais / je le serai un jour !
Comme l’escargot rentre dans sa coquille. Sinon il se balade laissant Sa trace baveuse sur le chemin.
Ce n’est pas qu’à l’intérieur on soit Confortablement installé, même Chouchouté de l’extérieur par Des mains qu’on emploie au ménage.
« Ce n’est pas comme ça qu’on fait des enfants ! » Les allocations miroitant dans la vitrine patriotique. « bonjour monsieur l’escargot » / petites crottes Noires dans les sas d’entrée : il fait froid dehors : Alors je me colle au corps qui va dans ma direction. Les gens sont paralysés avant les vacances / l’été Quelle joie les transporte ! / filles et femmes presque Nues sur les parapets humides / le cocktail invite À la conversation : quelquefois plus / « vous n’étiez pas escargot monsieur ? je vous ai connue escargot : Je vous ai connu escargot / » mais l’été je ne le suis Plus : je suis poisson dans l’eau ou main dans la culotte / je suis la voile et le vent : « mais mais mais… ? Sans coquille monsieur qui n’êtes-vous pas » Je ne suis pas / je ne suis plus / mais ça ne durera pas plus que l’été : Je ne suis pas celui que vous croyez : j’ai une épouse Et ma coquille / j’ai une bagnole et un appartement : Je lutte pour augmenter mon pouvoir d’achat / j’ai peur Qu’un flic casse ma coquille / ça arrive quelquefois vous Savez ? Quelle phobie ! Quelle ode ! Moi aussi je hais Tous les métiers / mais le métier d’escargot me retient De retourner le mal contre moi : tout le Mal dont l’Homme Est capable / ah je ne vais pas vous ennuyer avec ça ! Prenons plutôt un verre à double sens / et regardons Toute cette chair qui s’expose à notre concupiscence : Chair de femme et d’enfant : nous n’en avons pas d’autres À disposition / le Monde est un chemin si étroit ! Surtout Sans coquille / sans cet unique pied qui nous associe Aux autres passants en direction des services sociaux.
Déshabille-toi et attends / La nuit n’est pas encore la nuit. Et quand elle l’est enfin, Le jour n’est pas loin de fleurir Dans les premiers rayons.
Jardins des matins tranquilles Qui préludent aux travaux / Des champs comme des villes / Qui ne travaille pas / dit-on / Ne peut rien exiger de l’amour.
Que la douce froidure des matins Raidissent les poils de tes jambes. Je n’aurais jamais plus chaud que toi Dans cet enfer bien commode Pour expliquer toutes ces complications.
Que la journée semble inutile Vue d’ici ! / le Temps est le seul Souci / l’escargot ralentit encore Ses trajets définis à l’avance : Rhabille-toi maintenant que c’est fait.
Qui ne tourne pas en rond dans Sa belle bagnole ? / il n’y a pas De plus longs voyages / temps Subjectif de ceux qui enterrent Leur angoisse et leur insomnie.
Je n’aime que ma poésie : faute De poème / je t’aimerais toi aussi Si tu ne vieillissais pas aussi vite Que le concept de profit / mon ardoise Ne concerne pas / n’a jamais concerné Les produits de première nécessité.
On devient voleur ou assisté Si on n’aime pas le travail. Le personnage se dessine Et le récit veut prendre un sens.
Que le divertissement soit condamné À passer son éternité de beau mort Parmi les houris ou les incubes que Dieu (dans son infini bonté) a inventé pour nous : Hommes et femmes ni riches ni pauvres Et souvent associés dans le mariage. Sur Terre : les cénotaphes aux marbres Couverts des meilleurs poèmes inventés Par le dernier esprit de modernité /
Aimez la simplicité des observations Judicieuses / l’évidence d’un spectacle Inattendu / chez soi et chez les autres : Choisissez de parler aux oreilles et aux Yeux : non pas les choses / mais les petites / celles que tout le monde connaît / comme Le chien se forge un langage proche de son Instinct / de la foule de ses chiens déjà Morts et disparus / là où l’os ne peut plus Se passer de la chair : imaginez le reste /
Croissance constante des excroissances Sur la peau qui cherche sa coquille /
Aimez le vent Et les courants Plutôt que la Turbine qui agit De l’intérieur.
L’extérieur ( comme vous l’appelez) Est le seul moteur du voyage existentiel. N’installez pas un vilebrequin en vous. Plus facile à trouver que le vent et la mer : Mais il vaut mieux tourner en rond autour De la Terre / plutôt que d’aller au travail Pour se faire bien voir / en somme : distinguez Le poète voyageur Du poète travailleur. L’un écrit des poèmes (c’est-à-dire un seul) L’autre cherche la poésie Et ne la trouve pas.
« ceci est un principe et non pas un axiome »
dit-on au vent qui s’est tu (comme s’il avait parlé…) Et à la pluie que le soleil A chassé vers quel horizon ? (nous ne le savons pas)
Un jour j’écrirai un beau poème sur le sujet.
Il n’y a pas plus d’alchimie que de beurre en broche. Il n’y a que des histoires inventées de toutes pièces. Des inventions de personnages Comme autant de cénotaphes. À moins que la douleur qu’on ne soigne pas Prenne du sens parce que la poésie est trouvée. « vos arbres sont charmants, cher voisin… — ce sont des charmes alors vous pensez… » Si je pense : je ne fais que ça : du matin au soir L’esprit entre les choses prenant la précaution De ne pas en pénétrer le silence / « vos charmes ô voisine du voisin ! » / ne me faites plus languir !
— Moi aussi !
Tout le monde au chevet de nos arbres Dont on fait les cercueils mais aussi les vaisseaux. Grand débat national en attendant l’humanisme Qui nous pend au nez comme la goutte des pituites. « c’est comme ça que je l’ai rencontrée » / bonheur D’un ancien triste à la sortie de la mairie / l’église Attendait son heure / sous les arbres disparus de Notre place publique / le kiosque aussi a disparu / Les jeunes couples / les landaus / la jeunesse le nez En l’air et la main à la pâte / « moi aussi je l’aime » Sortie vers un autre mode de vie : les enfants des Autres suivent en grapillant les dragées / perspective Sans horizon naturel / ici jadis est passé un soldat Porteur d’une mauvaise nouvelle : le pote en question Avait fui en Amérique / et il ne comptait pas revenir : Il avait disparu pour tout le monde sauf pour ses Nouveaux amis : Nouveaux amis je n’en ai pas. Je vieillis avec eux et je suis Déjà vieux / les nouveaux amis Demeureront un rêve d’enfance / à jamais : en tout cas tant que Je n’en déciderai pas autrement. Et glou et glou…
Quelle ode vos visites à mon chevet Ou plus simplement sur le seuil De la maison de mon père !
« nous aimons la poésie comme notre propre chair : voyez comme nous frissonnons / » ô vert tremblement De mes membres dans le lit où je suis censé en finir Avec moi-même : si tant est que rien ni personne N’y soit pour quelque chose / Descends sur moi Corps encore doux Et franc / je t’aime
« l’art est une sottise » / il le sait maintenant « toute l’écriture est de la cochonnerie » La faute à ces élans mystiques (même sans dieu) Qui invitent aux misérables postures de l’orgueil / et aux bizarreries de style « mais je n’ai rien demandé / ni à papa ni à maman / non plus qu’à la patrie qui / de nos jours / n’est plus la terre / rien demandé à l’extérieur de moi- même / j’aimerai toujours les paysages de mon enfance : je ne veux rien dire d’autre. » |
Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs | [Contact e-mail] |