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![]() oOo C’est pure spéculation, tu sais. Quoique quoi que… On ne peut pas savoir. C’est tout le sel d’une aventure peut-être au long cours sur une mer trop salée pour être tout à fait anodine. On produira tous, ainsi, des moments de grande perplexité qui accoucheront de moults propos ambigus truffés de phrases alambiquées dans le royaume desquelles ni oui ni non semblera être la barre symbolique du danseur de corde à la recherche d’un équilibre par nature toujours instable. Un royaume pour un danseur de corde, peut-on rêver mieux ? Et si le danseur, à lui tout seul, était cet équilibre qu’il trouve pour ainsi dire en vain ? Aussitôt trouvé, aussitôt perdu et vice-versa. La chute, dans ces conditions, peut parfois paraître désirable ou simplement souhaitable pour ainsi mettre fin à l’ambiguïté chronique qui nous hante. Ce dernier danseur, multiple, ne jouira, hélas, d’aucun public pour assister à ces prouesses d’équilibriste, tout se passant dans une chambre noire excessivement pauvre en oxygène. Et c’est enté sur cette hantise que, malgré toute la sollicitude et toutes les sollicitations de l’abîme, nous garderons le cap, car, si la corde raide, si assouplie qu’elle soit au fil de nos tentatives réitérées, propose une ligne droite, il faut immédiatement se figurer une giration de la corde en fonction d’un mystérieux tropisme. Ce tropisme, que l’on peut nommer parce qu’on en ressent les effets, restera une hypothèse de travail, soit une boussole tactile et versatile qui passera, qui plus est, de main en main tout au long du fabuleux voyage. Ainsi, corde et danseur tourneront autour d’un axe à l’origine indiscernable mais clairement perçu dans ses effets par le danseur et peut-être même par la corde qui n’est pas inerte. Sa souplesse féline s’accorde parfaitement tant à la giration des deux extrémités où se trouve fixée la corde qu’au déplacement tout en agilité du danseur ivre de mots. Deux poteaux bien fichés en terre soutiennent et la corde et le danseur qui en dépend pour la survie de son action. Ils ne tournent pas sur eux-mêmes, ce qui emberlificoterait la corde et serait rapidement fatal pour notre équilibriste. C’est bien, semble-t-il, le sol où se trouvent fichés les deux poteaux qui tourne. La ligne dessinée par la corde pointe ainsi dans diverses directions, sans qu’il soit possible de discerner clairement les points cardinaux ainsi visés et visités. Muni d’une visière qui plus est, le danseur n’a qu’une vision restreinte de son environnement, concentré qu’il est sur sa marche au-dessus du vide. Dans la chambre noire règne une température tellurique constante. Aucun échauffement n’est à prévoir. L’opération peut durer des jours, des semaines voire des mois entiers. Cet espace confiné ouvert sur le vaste monde produit des effets de focalisation inévitables. A la fois centré sur sa recherche d’équilibre et en constante rotation, danseur et corde s’équilibrent mutuellement, constituant une figure fugace qu’il convient de ne jamais fixer en temps réel, mais de suivre à la trace. C’est ainsi qu’une quantité indéfinie d’écrits tournent sur eux-mêmes, produisant rapidement un tourbillon idéel qu’il est aisé de méconnaître.
Jean-Michel Guyot 20 mars 2020 |
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