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![]() oOo Écrire est une façon de se jeter à l’eau
Delacroix me plaît assez. Ceci dit, la visite des musées m’a toujours exténué. Quelle chance pour ceux qui peuvent se payer des toiles ! Pouvoir les regarder sans ticket d’entrée, sans heures d’ouverture. Le livre pour cela est magnifique. J’ai eu longtemps une sympathie particulière pour Vincent Van Gog, son côté écorché vif. D’ailleurs, moniteur d’auto-école, un jour une élève m’a demandé de la guider vers le cimetière d’Auvers-Sur-Oise où le peintre fut enterré. Ces deux tombes collées l’une à l’autre complètement recouvertes de lierre : celles de Vincent et son frère, dont l’état de santé fragile s’est brusquement détérioré jusqu’à la mort, un an après celle de Vincent. Ce lierre, ce caractère distinctif, même au cimetière où normalement, par la mort, tout est rendu à la même ligne plane, à la manière d’un électrocardiogramme. Trait de génie. Deux tombes dans un cimetière. Un maître tableau. Que dire que j’y suis retourné à bien des occasions, pour ces deux tombes. Leur beauté.
Toutes sortes : chansons populaires, musiques traditionnelles, folklore, jazz, country, chansons dites « à textes », etc. Je suis cependant allergique aux gens qui confondent musique et bruit assourdissant Heavy Metals, par exemple. La techno ne me laisse pas indifférent avec ces notes lancinantes, qui ont l’air de mourir, de ressusciter. Intéressant. J’écoute la radio. Je suis un amoureux de la radio. Cela doit me venir de très loin, quand dans les champs j’avais l’oreille collée à Jacques Chancel et à sa « Radioscopie », aux émissions de variétés où Claude François et Julien Clerc étaient plus que des chanteurs à minettes. Des kabyles, Idir et Aït Menguelet m’ont toujours beaucoup ému par la justesse de leur voix, de leurs textes. De tous, ils restent encore ceux qui me lient le plus à ma Kabylie natale. Il y a aussi Zerouki Allaoua est sa voix d’outre-tombe. En général, j’écoute la musique le soir, allongé ; la diffusion est totale.
J’ai beaucoup, beaucoup aimé le cinéma réaliste italien des années 40, par exemple : Le voleur de bicyclette de Vittorio de Sica. Mais, il y a tant de films qui me passionne que j’aurais du mal à tous les citer. Papa est en voyage d’affaires de Emir Kusturica, Un condamné à mort s’est échappé de Robert Bresson, La vie sur terre de Abderrahmane Sissako, La ballade de Narayama de Shohei Imamura, Omar Gatlato de Merzak Allouache, Intervention Divine de Elia Suleiman. Ce genre de cinéma, exigeant dans son langage et inépuisable dans son esthétique, reste en nous, durablement. Le plaisir n’est pas immédiat et se moque même de l’être. Il est plus profond et n’arrive donc qu’une fois le long travail de son appropriation accompli. Sur chacun de ces films, il y aura beaucoup à dire. C’est un cinéma qui libère la parole ; aux antipodes de celui qui se contente d’en « mettre plein les yeux ».
Le Banquet de Platon.
Des Français ? Je dirais Hugo, Chateaubriand, Flaubert, Proust, et puis tant d’autres. Des Francophones ? Mohammed Dib, Mouloud Feraoun, Dris Chraïbi, Tahar Djaout Des poètes ? Kateb Yacine, Jean Sénac, Charles Baudelaire, Rimbaud, Aimée Césaire, Walt Whitman, Jean Amrouche, Malek Haddad, Si Moh Ouamhand, Slimane Azem...et bien d’autres. Des philosophes ? Tout le monde est un peu philosophe, non ? Spinoza m’intrigue, me fascine par la profondeur de sa pensée. Ses « démonstrations » au sujet de l’existence de dieu sont de purs chefs-d’œuvre. Plus proche de nous est Sartre, pour s’être toujours mis en danger. Le Sartre et ses multiples engagements, ses contradictions, la manière dont il a mis sur la brèche l’Existentialisme au point de le ruiner, son rapport avec le « Castor », bref. Mais Sartre est plus qu’un philosophe et moi je vais à la « pure » philosophie en amateur.
En plaisantant (cela peut paraître prétentieux mais tant pis) j’ai dû dire un jour à une amie : je voudrais lire TOUS les livres écrits. Donc une bibliothèque qui contiendrait absolument, sans exception, tous les livres. Je sais bien que c’est impossible. D’ailleurs, je crois que cette idée m’était venue en lisant « La Nausée » de Sartre. Vous vous rappelez de cet Étudiant qui passe son temps à la bibliothèque à tout lire par ordre alphabétique ? Je me méfie des jugements « bonne littérature », « mauvaise littérature ». Je préfère dire « Littératures ».
Non d’un mais de plusieurs. J’ai commencé à lire au collège, en pensionnat. Trois livres à trois périodes différentes de la journée : 1) un livre durant les cours de physique qui m’ennuyaient prodigieusement 2) un autre durant l’étude (obligatoire) de l’après dîner (trop fatigué pour réviser quand on n’a que 12/13 ans) 3) un troisième après l’extinction des feux, à la lueur de la veilleuse (si le maître d’internat me le permet. Quand il est de bonne humeur, en général il permet) Des titres : Tartarin de Tarascon, Les Misérables, Crimes et Châtiments, Guerre et paix, Arsène Lupin, Le vieil homme et la mer. Bien sûr, il y eut Blek Le Roc, Tarzan, Salut les copains,...
Depuis tout petit. Par timidité. La feuille me faisait moins peur que les visages. Au lieu de répondre à ces visages et les affronter totalement désarmé, je racontais par la plume ce que je n’ai pu faire par la voix. Ce fut plus commode mais depuis j’ai appris à « dominer » ma timidité sans pour autant cesser d’écrire.
Je crois que cela est venu progressivement avec la lecture. Quand on lit, on a envie de faire pareil. On est admiratif et on a envie d’imiter, de voir comment c’est fait une histoire. Lire c’est baigner constamment dans l’univers des mots. Écrire est une façon de se jeter à l’eau. On a vu faire les autres. On a eu peur. On a longtemps hésité de peur de se trouver ridicule. Puis un beau jour on ne réfléchit plus, on plonge. La meilleure manière d’écrire pour moi est de se jeter à l’eau sans bouée de sauvetage. Si on a envie d’être sauvé, secouru, ce n’est pas la peine de plonger. Il faut rester au sec. Mais là les idées elles-mêmes risquent fort d’être sèches à leur tour, par contamination. On ne peut pas tout avoir.
L’écriture telle que je la conçois est impitoyable. Elle vous veut entier. Je ne saurais laisser le champ libre aux autres tentations. C’est assez révélateur dans mon esprit que l’écriture occupe tout l’espace. Je dis volontiers « l’écriture » cinématographique ; un tableau en plus de se laisser voir, il se « lit » pour moi. Je n’écoute pas mes messages sur mon répondeur téléphonique, je les « lis ». Toujours ce rapport à l’écrit.
Pourquoi respirez-vous ? pourrait bien être ma réponse à cette question. Rilke avait écrit dans sa lettre au jeune poète cette phrase admirable (je cite de mémoire) :il suffit selon moi de réaliser que je peux vivre sans écrire pour qu’il me soit absolument interdit d’écrire. Quoi ajouter après cela ?
Je crois que l’on écrit d’abord pour soi. Les autres viendront toujours après. Je pourrais même dire qu’avant d’écrire quoi que ce soit, on est déjà son propre lecteur, dans la tête. Les autres seront toujours des lecteurs occasionnels, probables, potentiels. Tandis que je ne cesse jamais d’être réel face à ma propre écriture.
La poésie sous toutes ses formes. Merci à Mallarmé pour avoir dit cette belle phrase : « À chaque fois qu’il y a effort au style, il y a versification. »
Le voyage qu’elle me promet.
Les deux. J’écris partout. Surtout dans les marges de n’importe quel cahier, n’importe quel document, mêmes les documents dits « officiels ». Si d’aventure une belle phrase me venait alors que je suis en train de rédiger ma feuille d’impôts, je griffonnerais dessus sans hésitation. Mais je dois avouer que ce n’est pas là que ces phrases-là viennent en général.
Il est impossible de répondre à cette question de manière précise. Tous les écrivains précédemment cités me donnent un peu d’eux. Cependant, il s’agit de travailler à être soi. D’abord.
Le rapport à la lecture est très subjectif. Ce que je trouverais mauvais, quelqu’un d’autre adorerait. Je préfère parler des livres que j’aime. Mais cela je l’ai déjà fait.
![]() Ce que j’y ai trouvé : une franche camaraderie. Un esprit d’ouverture et une très grande rigueur intellectuelle. Toutes valeurs qui sont loin d’être négligeables. Ce que j’aimerais trouver d’autre : une ligne conceptuelle plus définie. Où va-t-on et que veut-on ? Il me semble que la RAL,M gagnerait vraiment beaucoup à rendre plus visibles ses objectifs, son champ d’action ; se situer par rapport aux autres revues, par rapport aux enjeux de notre société actuelle et dire de quelle façon elle y prend part. Le cadre qui est le sien en ce moment me paraît trop large. Demander aux différents acteurs qui l’animent de réfléchir en termes d’équipe, de groupe qui sait où il va, en dehors de toute considération individuelle. On vit dans un Monde qui abrite des milliards d’individus, cela n’empêche pas que l’on finisse toujours par trouver une place pour parler de soi. Ce qui veut dire qu’on aurait tort, à mon avis, de croire qu’on disparaît en tant qu’individu dès lors que l’on s’engage dans une entreprise collective. Je dis cela pour ceux qui ont toujours peur de ne pas « apparaître ». |
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