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![]() oOo ÇA - Entrez sans frapper (Extrait)
Personnages I- Thislith II- Argaz (Asli) III- M’barek III- Amghar IV- La Maison (comme sujet dramatique) Une jeune femme dont le destin vient d’être scellé à celui d’un vieil homme que ses parents lui imposent comme mari prend à témoin la maison du « crime légal », son corps bafoué, son innocence volée et...pousse un cri à l’aube naissante. Un cri pour ne pas étouffer, un cri vers les Hommes, les étoiles, vers la Terre pour que personne n’oublie jamais sa tragédie. Cette parole prise n’a pas d’interlocuteur. Seuls les accents d’un soliloque se font entendre. L’absence (ou presque) de scènes dialoguées préfigure ainsi l’absence de dialogue tout court entre la société des femmes et celle des hommes. Ça se passe en cette contrée-là qui est toujours un peu la vôtre.
AVERTISSEMENT
Cette poésie que vous allez entendre portée par un chant qui s’y laisse diffuser en toile de fond, en dépit du fait qu’aux primes abords elle puisse sembler tout d’une pièce et comme entonnée par une seule voix indivise, est pourtant bien le résultat d’une écriture à deux mains. D’aucuns se seraient sans doute aisément accommodés à l’idée d’une femme écrivant en femme l’intimité d’une autre femme. Mais il nous est apparu à nous essentiel que ce soit au contraire ensemble, femme et homme, que nous devions retrousser nos manches et fouiller cette chose immonde qu’est le viol d’autorité, cette violence confortablement tapie derrière ce dont on convient d’appeler au coin d’une table la tradition. Sans doute a-t-il été toujours commode de dénoncer une idée quand il faut s’en prendre aux hommes. Mais il reste qu’une écriture à deux n’est guère chose facile. En somme - quelque généreux qu’il puisse apparaître -, l’acte d’écrire pour témoigner d’une réalité sociale souvent ignorée, est assurément toujours plus confortable que celui d’écrire pour apprendre. Alors pour se mesurer à nos propres démons (ceux de notre condition humaine), nous avons décidé d’apprendre. Et cet apprentissage, nous le menons sans fausse pudeur, sans faux-fuyants, c’est-à-dire au corps même de notre chant : là où la singularité de chacun de nous en tant que scripteurs se manifeste ; là où s’entrechoquent nos sensibilités nécessairement différentes, mais qui se rejoignent assurément à tel moment, qui se rejettent parfois ; mais qui se confrontent toujours. Nous écrivons pour apprendre à nous transformer par cela même qu’on veut transformer l’état des choses. Mais nous ne sommes pas quittes. Écrire, seul(e) ou à deux, c’est peut-être plus facile que vivre. Cette femme victime de ce que nous appelons un viol légal, si elle était mise en scène ici, n’en est pas moins la traduction d’une souffrance vécue par tant de femmes de par le monde que leur condition même de femmes soumises à leur père, à leur frère, à leur mari, à leur titre de sexe faible oblige au silence, au renoncement quand ce n’est pas à la culpabilité d’avoir osé dire tant soit peu qu’elles avaient mal. Mais alors, nous aurions dû nous taire face à cette souffrance que l’on n’a pas vécue. Ne rien dire. Par respect. Or, ne rien dire peut confiner à la suprême lâcheté. C’est ainsi qu’on a choisi d’être - certes - un peu moins respectueux mais peut-être dans le même temps un peu moins lâches. Nissa ANTAR/Nacer KHELOUZ Première partie (Nacer Khelouz) SITUATION I
M’barek - La Maison
Une grande maison. Une immense maison en briques rouges, avec trois étages qui butent sur une dalle. Des colonnes de ceintures se mobilisent vers le ciel. Elles sont un peu rongées par la rouille mais entendent témoigner qu’il n’y a pas intérêt à venir tant soit peu embêter l’édifice qu’elles soutiennent car autrement elle fuirait encore plus haut. Et puis, cette maison a sûrement dû affronter de rudes hivers quoiqu’elle paraisse d’assez jeune âge. On devine des mains hâtives ; de la précipitation dans la besogne pour la faire pousser plus vite qu’il n’est de raison de le faire. Elle ressemble en cela à un enfant qui a grandi trop vite et dont la voix est gravement comique. Maladroite, elle escalade les pentes des étages, comme poursuivie par un ennemi implacable décidé à ne pas la lâcher d’une semelle. Elle a connu au moins un printemps qui se laisse deviner par les nombreux dépôts de cigognes qui ont élu domicile juste au creux d’un conduit de cheminée. La cheminée paraît n’avoir pas beaucoup servi. Des fissures çà et là. Témoignage d’un séisme lointain mais qui a su s’approcher comme signe annonciateur d’un mauvais présage. Cette maison qui mobilisera au moins une minute l’attention du spectateur sans que rien d’autre ne vienne à occuper la scène, est éclairée par des lampadaires de part et d’autre de sa façade principale. C’est donc à la nuit tombée que tout commence. La scène est disposée devant l’entrée principale. Deux allées et un jardin légumineux que l’on devine. Pour le moment, on ne voit pas d’autres maisons alentour. Elle constitue déjà un personnage en soi. Un homme apparaît. Une large gandoura déchirée par endroit. Une soixantaine vigoureuse, portée sur un front fier et sauvage. Il arbore une abondante barbe. Le regard en feu, il lève les yeux vers le ciel, dos à la maison et simule le geste de faire pousser quelque chose, de bas en haut. Sa voix sépulcrale va imiter ce mouvement par une intonation montante, vibrante. C’est M’barek dit « le fou errant ». M’barek
(On entend soudain le mot « Amen » répété par d’autres voix inconnues qui semblent sortir de toutes les pièces de la maison et qui brisent l’élan.On eut dit que cette parole est partagée par tout un peuple. M’barek se tourne de nouveau vers la scène et paraît prolonger le cri) |
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