Hier, tard dans la nuit blanche, je me suis emmêlé dans ce qui me regarde.

C’était un peu comme un coup de manivelle à faire pétarader le moteur à explosion de ma tête, un truc à en perdre son latin, et même son grec, tant qu’à faire. La perte n’était pas si grande, car, après tout, par les temps qui courent qui se soucie vraiment de têtes bien faites ? Elles ne courent pas les rues, ne rapportent pas grand-chose et sont notre mauvaise conscience.

Ce soir, j’ai beau remuer les cendres de ma veille, je ne trouve rien à y redire mais, hélas, beaucoup à y relire, et le conte fuligineux dans lequel je m’embarque à mon cœur défendant n’est guère reluisant. C’est donc le visage charbonné que je me présente à vous ce soir, dans ce livre inachevé qui me sert de couverture.

Mon tison en forme de trident, je l’avais la veille au soir planté dans le cœur sec de ma voisine Amélie, et c’est après une laborieuse extraction in vivo que je me surpris à espérer pouvoir enfin tourner la page d’une relation tempétueuse, lire tout mon soûl et puis m’endormir enfin pour de bon, ainsi dormir tout à mon aise du sommeil de l’injuste, le plus doux de tous, à ce qu’on dit.

Ah tu parles !

Aussitôt plongé dans la cendre, le cœur sec d’Amélie s’enflamma comme une torche résineuse avide de brûler dans la caverne d’Ali Baba, de sa lumière ardente raillant puis ralliant en un éclair la cendre froide à sa toute nouvelle et noble cause dans la chambre encore chaude, il est vrai, des effluves d’Amélie, et c’est en deux temps, trois mouvements que mon trident à son tour se consuma comme fétu de paille dans les flammes de l’Enfer ainsi instaurées. Mon triste trident hérité de Tristan fondit sous mes yeux en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire ici.

Et me voilà seul comme au premier soir. Deux élixirs trônent sur le rebord de la cheminée, lequel choisirai-je ce soir ? l’élixir d’amour ou bien l’élixir de jouvence ?

Jean-Michel Guyot

21 janvier 2024