De neige et de vin
Le crépuscule à ses heures
Plurielles en diable
Provence rosée
Poudre de lait sur les champs emblavés

*
 
Etourneaux tournent dans le ciel
Virent vers l’Est
Où se dresse
La demeure

*
 
Vineuses veines de quartz
Dans le bras noueux de la roche
Pacte renoué
Vigilance à tous les instants
Accordée

*
 
Sur mes lèvres descellées
Amour en partage
Fouisse dans des mots alcalins
Tardive la pluie acide
A chaux contente

*
 
Solives des jours
Et porte déportée en chêne massif
Ornée d’étranges motifs
Evoquant des pyramides enchâssées les unes sur les autres
Sortes de sapins stylisés gravées par des mains expertes
D’enfants reclus

*
 
Poupées russes évoquent bien
L’illusion décroissante
Le Roi est nu
Ses sujets exsangues
La Reine est morte
Vive l’arène !

*
 
Grenier des grèves
Sable crisse entre les doigts courroucés
File dans l’entre-deux des phalanges décharnées
Un crâne hilare roule dans l’écume de la vague éjouie

*
 
L’estran de nos étreintes
Ton sexe intertidal assurément
Humide présence
Lierre suffoque
Rouleaux roulent sans que jamais rien
Ne s’y enroule
Nymphe s’y essaie
Cléopâtrée empêtrée
Dans son éternité

Doux roulis de ma verge
Dans la béance élastique de ton vagin
Cœur tangue
Corps vibrant-suant
Allié de l’esprit mordant
Tout un dans l’une fois seulement
Qui va se répétant à l’envi
Soif impavide
Reluque l’élixir de jouvence

*
 
Douces mordorures des flammes éoliennes
Dans l’âtre content de la cheminée
Index irrité tendu vers le ciel content
Flammes dansent sur les accidents de ta peau
Ombres et lumière enlacées
Jasent dans les marécages
Aigue morte, aigue vive
Même combat

*
 
Rives nacrées lévitent, rêvées,
Dans les yeux de la divinité
La rieuse aux bras de lianes enlacées

*
 
Trop-plein d’eau marine
Dans la barque
Ecope et étoupe
N’y suffisent
Rude, ah rude
La marche en avant
Sur les eaux rebelles
De la belle écornifleuse !

*
 
Terre, terre !
Lance un matelot affolé
Haute vigie au regard aiguisé
Par des mois d’enivrante traversée
Sur le gaillard, de rudes gaillards s’activent
Scellent au plus vite les portes de l’Enfer
Avec leur sang

*
 
Mât tombé en poussière
Vieille coque pourrie
Ecrase l’Argonaute esseulé

Ne saurais le contredire
Cœur à l’ouvrage file dans le lagon
Tisse de ses traits d’écume
A ravir une vahiné
Va’a s’en va vers des terres réputées lointaines
A la force de bras d’hommes à la vigueur incertaine
Mais bien décidés à accoster
Ah, ah !
Sur l’épaule géante du volcan
Dès qu’il le faudra
Ha ha !

*
 
Aposte ici ta part de néant
Regarde filer les horloges

*
 
Sûr soc
Choc assuré
Retourne les terres meubles
D’antique mémoire
Au fil des ans saturés
D’épines

*
 
Le char d’Ovide tourne à vide
Cacozélies prennent leur envol d’étourneaux
Dans les parages de Virgile
Tandis que de métamorphose en métempsychose
La lettre des textes s’altère
Versions chinées
Par des mains multiples
Rompues aux palimpsestes indigestes

Interpolations, digressions
Et notes saugrenues ajourent les textes retenus
Perdus pour des siècles et des siècles
Jusqu’à ce que, filant entre les lignes,
Un géant ne vienne rafler la mise

*
 
Etourneaux ivres de lumière
Demeurent dans le pays
Jamais ne s’y dispersent
Jamais n’en dispersent la grisaille automnale
Rives embrumées
Envient le lit de la rivière

*
 
Ivre de lumière
Douce Charente
Le chemin de campagne
Ne garde trace
Flèche rompue
Mais vent de nord-est
Demeure
Qui pousse vers l’Ouest
Déhiscent

*
 
Sur leur coquille de noix
Ils arrivent
Conquête épée en mains
Des hommes-chevaux
Sur les terres neuves
Y plantent leurs croix de misère
Ah sûrs de leur fait
Imbus de leur bon droit
Ah maudits soient-ils !
Ainsi soit-il !

Jean-Michel Guyot
19 février 2024