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Mame la Mort
Je couchais sur des lits de camp
Vous me disiez où comment quand
Mame la mort
Je me souviens des Alyscamps
Souvent je fuyais la riflette
La route traversait le bois
Je jouais à être aux abois
A trois sur une bicyclette
Mame la Mort
J’avais des trous à mes chaussettes
Je semais les grinçants flonflons
De mon invisible violon
Je récoltais quelques piécettes
Mame la Mort
Vous troussiez sur l’escarpolette
Vos jupes de demi-saison
Moi j’aurais bu tous les poisons
Pour m’endormir dans vos violettes
Mame la Mort
Vous aviez un goût de praline
Vos sonnets étaient sans défauts
Quand vous quittiez la grande faux
Pour la viole ou la mandoline
Vous moissonniez d’un seul andain
Les fleurs d’amour de mon jardin
Mame la Mort
Vous preniez mes vers en dédain
Que chantiez-vous dans les brancades
Dans le coton dans les blés d’or
Au grand soleil de messidor
Sur ma dernière barricade
Mame la Mort
Que chantiez-vous à Barcelone
A Oradour à Guernica
A Grenade au bras de Lorca
Sur les champs rouges de Bellone
Mame la Mort
Mais que chantiez-vous à Charonne
Au Vèl’ d’Hiv’ au mont Valérien
Sur la fosse des gens de rien
Sans pierre ni croix ni couronnes
Mame la Mort
Quand je n’aurai plus que vos lèvres
Quand je n’aurai plus que vos yeux
Je ne serai plus soucieux
De plaire à quelque muse orfèvre
Que faites-vous de vos amants
Qui passent dans tous les romans
Mame la Mort
Mettez-vous fin à leurs tourments
Mame la Mort
Je suis à vous dans un moment
Mame la Mort
Puttana
2001