Les retombées poétiques ne sont jamais immédiates. Aucun bénéfice n’est recherché dans une folle quête de transcendance d’une écœurante banalité : il ne s’agit pas pour autant de vivre béatement l’instant présent comme enjoint de le faire une philosophie à courte vue.
La présence, c’est bien autre chose : des instants vécus mollement ou intensément, et le cheminement lent d’une parole qui se cherche dans ses mots pour dire le vécu.
Dire le vécu ouvert sur la vie de tous les instants dans une ouverture à la puissance incoercible du temps, ce qui, précisément, passe par la relâche, l’oubli partiel ou total, l’attente quiète d’une résurgence puis d’un surgissement qui ne retient rien de ce qui vient, n’agit ni à la manière d’un barrage hydraulique en mal d’énergie ni en mausolée vide érigé en mémoire d’un passé mythifié.
La parole en acte tranche dans le vif du sujet, se fait objet de sujétion et sujet vivant de l’objet en marche, dans un mélange délicieux d’abandon à cette grâce nouvelle surgie du passé proche ou lointain et d’extrême liberté offerte-exposée au néant, témoin muet de la scène qui ne se joue pas, mais se vit au cœur de la parole vivante qui me vient de toi.