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Article publié le 24 mai 2014. oOo Thierry Chateau, né en 1963, est l’auteur de deux essais, Février noir et Ces Hôtels qui font peur, de deux romans, Cité taule et Motorcycle man, et d’un recueil de poèmes en français et créole, Porlwi Fam nwar. Il contribue régulièrement aux anthologies de la Collection Maurice, dirigée par Rama Poonoosamy. Il a obtenu le prix de l’Association des écrivains de langue française / Association des membres de l’Ordre des Palmes académiques) pour son dernier ouvrage, Citoyens du monde – les Mauriciens sont des gens comme les autres (Osman Publishing, Rose-Hill, 2013).
Hôtel California
En haut d’un escalier de velours Loin de la rue qui trépigne De la foule des corps humains Et de la fumée des autobus, De la chaleur de la rue Bourbon Et du coaltar qui fond Sous la caresse d’une clim Derrière la porte qui coulisse Dans un souffle de saxophone Savamment relevé par l’effluve D’un parfum érotique Qui n’a rien à voir avec l’odeur du restaurant Mais qui provient des aisselles D’une serveuse affolante Une apparition.
Cheveux de soie Regard de biche Dents de féline Sourire d’enfer Un cou de reine Le col ouvert Juste ce qu’il faut Pour deviner Tout ce qu’elle cache Dans un abîme De chemisier
Bonjour monsieur Vous êtes seul ? Hélas oui… J’ai c’qu’il vous faut Je n’en doute pas Veuillez me suivre… Je n’attends qu’ça ! … au fond de la salle Vous s’rez tranquille Ne m’laissez pas… Vous z’en faites pas Je suis à vous À moi tout seul ?
Dans une salle pleine à craquer Des tas de types sont attablés Ils la reluquent de bas en haut Alors que moi je ne sais même pas À quoi ressemble le bas de son dos Telle une experte du paso doble Elle exécute un pas de danse Et me présente la carte des vins Puis me récite dans le détail Le nom de toutes les réjouissances Dont je ne retiens que des bribes … de pomme d’amour ou porc au miel Je suis au bord de l’asphyxie Crevant de soif, mourant de faim
Elle me sert à boire Je la bois des yeux Cheveux de soie Regard de biche Dents de féline Sourire d’enfer Des jambes sculptées Une jupe fendue Juste ce qu’il faut Pour deviner Tout ce qu’elle cache Dans le repli De l’uniforme
Allô monsieur ? Elle m’appelle Du bout des yeux Vous m’entendez ? Je n’vois que vous Excusez-moi Je meurs de faim Bien cuit le steak ? J’ai faim de vous… Et la salade ? Pour les cabris… Un p’tit dessert ? Ça dépend d’vous
Je la mange des yeux Elle se défend pas
La salle est debout C’est l’heure du repas
Elle se livre à moi Je la bouffe toute crue
(Porlwi fam nwar, Éditions de la Tour, Port-Louis, 2007) |
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