La main fanée enchaîne les tropes,
Andains de bon augure
Dans le pré dépeuplé.
Un rescapé sourit,
Bleuet qui n’a de bleu que le nom.
Le pré n’a pas le blues, tout ragaillardi qu’il est par sa jeune coupe,
Vrai jeunot prêt à toutes les audaces.
Les os craquent un peu, les muscles se tendent,
Chauffés, ils ne craignent rien.
Le bras sûr,
Le geste ample mais limité par la stricte observance,
Le geste souple, allègre, efficace en diable de la faneuse,
Je le regarde retourner les foins coupés.
Narines ivres de soleil au foin mêlé.
L’image, l’entière image des andains voués au soleil ardent,
Voilà qu’elle donne au pré ainsi peigné
Des allures de tableau ancien.
Juste accord déroulé
Sur la partition du pré andainé.
N’était la vigueur de la faneuse bien vivante,
On se croirait pris dans une histoire millénaire.
Revigoré, le paysage respire,
La forêt toute proche attendra.
Le bleu du ciel accueille l’âme tourmenté du bleuet esseulé
Qui attend son heure.
Le foin, lui, n’attend pas,
Bien vite engrangé.
Herbes folles poussées sagement dans le pré
Ménagent au temps levé la pause salutaire qui le verra se tasser,
Doucement s’affaisser.
Le foin embaume dans la grange improvisée,
Poussière, fervente poussière rapiécée,
Moment de dure attente dans la mollesse des jours fastes
Le dispute au regain de vigueur de la faneuse affolée.
Jean-Michel Guyot
25 juin 2014