La narration, tout en émergeant, est déjà en fuite.

 La puissance du flux narratif propulse, en quelque sorte, le sens littéraire dans l’espace-temps. Puis, celui-ci prend une direction qui lui est propre, loin de tout calcul, loin de toute stratégie, loin de tout programme.
 Loin de toute programmation.
 Le cosmos s’étire, la vitesse de la lumière devient itérative. Et le narrateur – ou plutôt un narrateur – surgit, soudain, dans la nudité de son squelette, dans la nudité de ses convictions, un narrateur et son regard clair se projettent, là, ici, maintenant.
 Sa haute stature avance tout droit, vers cette direction vierge, une direction encore inexplorée. Tandis que la somme de ses instincts et la totalité de sa culture – son animalité civilisée en somme – continue de progresser, déjà, le logos et l’écriture externe le prennent en chasse.
 Les mots, écrits ou oraux, se dirigent vers lui par de multiples canaux, des canaux qui tentent de l’endiguer. Mais la matière humaine, mue par le mouvement narratif, reste étanche à cette submersion. Une sorte de champ magnétique encercle la figure du narrateur, une figure qui poursuit sa mission, ou tout simplement obéit à des règles invisibles qui dessinent, peu à peu, son fatum. La figure magnétique, donc, se meut en accord avec le mouvement naturel des éléments, elle avance tout droit, oui, parallèlement ou dans la lumière, elle avance toujours, peu à peu, régulièrement, constamment.
 Chassée d’elle-même, elle se dirige vers, pourchassée, elle échappe à. Et derrière, ce ne sont que lambeaux de mots, des lambeaux en ruine qui ne parviennent à rejoindre la figure du narrateur ou de la narration en cours …