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Dictionnaire Leray
VERS (tenir son –)
![]() oOo Qu’est-ce que tenir son vers ? Question qui se pose singulièrement avec ce qu’on appelle le « vers libre » (qui ne semble guère l’être). Voilà sans doute pourquoi je me retourne vers Cadou, di Manno et d’autres qui me semblent se caractériser par cette qualité qui fait la différence, me semble-t-il, entre un bon et un mauvais livre de vers. Mais alors – qu’est-ce que « tenir son vers » — propriété mystérieuse, magique, du vers à tenir par lui-même ? Une coïncidence des différents aspects du contenu du vers, fort difficile à analyser, une coîncidence par laquelle le signifié trouve écho dans des faits de syntaxe et de rythme, dans des rapprochements ou isolements prosodiques, une transposition diffuse de ce que Jakobson appelait axe syntagmatique sur ce qu’il nommait axe paradigmatique, un équilibre singulier par où le vers libre devient vers système ; en rapport avec une langue, une culture et une tradition (fût-elle réduite à un champ de ruines), une qualité enfin la moins démontrable et que l’on nomme parfois « épaisseur », « densité », « feuilleté »... qui donne à entendre, sous un poème singulier, toute une histoire de la poésie. L’ensemble des catégories de faits qui conduisent à ce qu’un vers est « tenu » fait l’échec de l’analyse. Car échec il y a. L’école ancienne (Sainte-Beuve) était éclectique. C’était une tradition qui restait dans la marge des idées positivistes. Elle lui empruntait sa logique causale pour articuler la biographie et l’oeuvre. La méthode fut contestée par Proust, puis Roland Barthes. Si elle se souciait de rigueur dans sa collecte d’informations, elle ne prétendait pas à un caractère strictement spécifique. Par son éclectisme, cette école de pensée, réfutée et méprisée par le structuralisme, a malgré tout quelques atouts pour aborder la question du vers. L’échec du structuralisme en la matière tient sans doute pour beaucoup à sa propension à établir des séparations infranchissables et à produire des catégories fermées sur elles-mêmes. Ecrire le vers implique une critique des deux points de vue. Le vers n’est pas une réalité seulement structurale mais également une donnée culturelle. |
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