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Voilà la nuit. Chico Chica m'attendait dans le...
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 Article publié le 18 novembre 2018.

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Voilà la nuit. Chico Chica m’attendait dans le jardin. J’avais mis le parc à toutous en sourdine, façon Mozart avec clavecin et roubignoles. Karen et luce cuisinaient sous le porche. Le quartier, que je n’avais pas pris le temps de visiter (où l’aurais-je trouvé ?) était plongé dans un silence de mort. Des morts, il devait y en avoir. Il y en a toujours. En cherchant bien. Chico Chica était assis jambes croisées sur un banc juste au-dessus de la rue. De là, il pouvait surveiller le croisement qui clignotait plus loin. Il fumait un de ses maudits petits cigares qui empestent la conversation jusqu’à l’empoisonner. Il m’attendait secouant sa jambe le pied en l’air, un avant-bras sous les seins et l’autre immobile et vertical avec au bout une main nerveuse qui triturait le maudit cigare. Pas un oiseau dans les branches.

« J’ai suivi luce, me dit-il, installant le silence en attendant ma réaction.

— Elle est avec Karen, dis-je sans me démonter. Tu sens pas la bidoche grillée… ?

— C’est une invitation… ?

— luce te déteste… Tu vas encore tout gâcher, mec… T’as de quoi picoler ?

— T’es vachement sympa avec moi ces temps-ci, mec…

— Ça cache rien, m’écriai-je pour couper court aux critiques. Tu devrais consulter… Ya rien de moins turgescent que la parano…

— Tu me demandes pas ce que je fous ici à cette heure… ?

— T’as suivi luce et t’as des choses à me raconter…

— Pour ça je te fais confiance…

— On part en vacances demain…

— Vous emmenez les toutous ou je me charge de les faire crever de faim en votre absence… ?

— Tu me demandes pas où qu’on va… ?

— En Espagne… luce a un compte à régler avec un flic de la guardia civil… Une vieille histoire… Elle n’a jamais réglé ce compte… Je connais cette histoire par cœur… Des nuits que j’ai passé à l’écouter… Ça me le coupait… Elle me mordillait le prépuce du bout des dents…

— Ça va ! Tu racontes des histoires.

— En parlant d’histoire, Bébé est furieux. Dimanche est la limite. Demande à luce de t’inspirer… Elle a toujours su t’inspirer… Tu écrivais mille mots à l’heure à l’époque. Et ça dix heures par jour pendant une semaine entière. Y avait plus qu’à imprimer. Bébé était aux anges. En la gloria. Tu te souviens… ?

— Je me souviens que c’est demain que je me casse. En compagnie de deux femmes et à la poursuite d’une troisième qui me fuit je sais pas encore pourquoi. Qu’est-ce que tu sais… ?

— Je voulais justement te parler de Justine…

— Elle s’appelle Justine… ? Merde alors… Comme Sade… ?

— Elle a deux mecs au cul. Et pas un devant un derrière. Deux mecs égoïstes. Ça te ferait un bon sujet pour Bébé. Tu veux pas écouter la suite… ?

— Je connais un des mecs… Je savais pas qu’il était amoureux d’elle… Elle m’avait donné rendez-vous chez lui… Elle est pas venue… Et tu sais quoi ?... Il s’est enfui lui aussi. luce dit qu’il est parti en vacances, mais j’en crois pas un mot. Il lui court après…

— Dans ce cas ça fait trois… Avec un trou de chaque côté, elle va avoir du mal… Il est égoïste… ?

— Avec moi ça fait quatre. Et je pense pas me l’envoyer sans savoir ce qu’elle me veut... J’ai jamais baisé dans ces conditions. Ou je sais ou je m’abstiens…

— Bébé va pas être content…

— J’ai rien promis, merde !

— Ouais mais t’es redevable… Et avant dimanche ! Ça fait court. T’y arriveras plus jamais. Et avec deux gonzesses à la maison plus trois toutous énervés qui ferment jamais l’œil ni leurs sales gueules, t’es foutu d’avance, comme Harry. T’iras plus jamais loin, Frankie. En tout cas, si tu y vas, ce sera sans moi. Je reste ici quelque temps. Je m’occuperai des toutous. J’en ai crevé deux y a pas si longtemps. Scraoutch ! Scraoutch ! Deux fois scraoutch ! Pedro Phile me tirait dessus avec son flingue. Mais c’était des balles à blanc. J’en ai pris une dans le cul parce que je le montrais. L’autre m’a secoué une oreille que j’en ai eu le bourdon pendant trois semaines. Ding ! Et dong ! Je sais pas pourquoi j’aime pas les chiens de cette taille. Peut-être à cause de leur petite queue. J’aime pas les nains. Ni les costauds. Pedro Phile est un costaud. Ya pas de trous pour lui chez Justine. Elle est allée aguicher un cul-terreux et elle revient avec un copain de luce. Et retour. Et à force ils ont eu cette idée de s’entretuer dans l’espoir de la posséder en parfait égoïste. J’ai toujours rêvé de posséder une esclave sexuelle. Et pas du gonflable à l’envi. Une vraie de vrai qui vieillit et qui finit par crever à la tâche. Mais j’ai jamais eu de chance…

— En parlant de chance, luce m’a écrit…

— Je sais ce qu’elle t’a écrit ! J’étais là. Je lui ai conseillé de joindre un billet de cent, le dernier. Et elle a eu cette idée de demander à Pedro Phile de te faire croire qu’une femme voulait te confier son destin.

— Justine !

— Mais Karen avait d’autres projets… Dès qu’elle a vu ta grosse bite elle a changé de camp. La bidoche qui est en train de griller est la sienne, mec !...

— luce ! »

Ni une ni deux à l’annonce de cette nouvelle nouvelle je me propulse vers le porche qui est tout illuminé par une fumée rouge et verte. Je fonce sans estimer le danger qui me guette pourtant à travers les yeux noirs de luce. Elle brandit un tison chauffé à blanc. Elle en a testé le pouvoir sur une chauve-souris qui me regarde avec ses yeux morts. Chico Chica me poursuit avec son cigare minuscule mais rougeoyant. Le porche est un brasier. Ça sent le crématoire et la sauce Worcestershire. La culotte de Karen est suspendue à la poignée de la porte. Dans le feu flamboient ses jambes et ses espadrilles. Les poils pétillent autour d’un sein. Sa chevelure d’acier résiste. Elle rougeoie et éclaire le masque qui lui sert de visage. La bouche s’est ouverte sur une langue maintenant cramoisie. Je me jette sur ce qui lui reste de pied.

« Salope ! Salope ! criai-je à l’adresse de luce qui me menace de son tison qui sent la chauve-souris et la vulve.

— Je me fous de ta Justine ! qu’elle me crie dans le nez. Bébé t’enculera une fois de plus. Il le sait bien que t’as plus d’inspiration. Il t’endette et à la fin tu paieras avec ce qui te reste de l’héritage de ta mère ! Va te faire foutre toi et ta Karen ! J’en ai marre de tes femmes !

— Salope ! Salope ! »

J’ai pas vraiment honte de rien trouver d’autre à lui dire à cette salope. J’ai pas envie de me brûler, ni au feu qui consume Karen ni au tison qui chuinte dans la nuit. Je me traîne à genoux vers l’escalier que je viens de franchir d’un bond. Il faut que je trouve la force de le descendre. Et vite sinon elle m’aura par derrière, cette salope. Chico Chica a disparu, comme d’hab. Je suis seul avec mon ex tout excitée et dangereuse dans mon dos. Je sens rien mais je suis sûr qu’elle m’en a mis un en plein dans le crâne que j’ai fragile depuis mon accident de bicyclette. Je dégringole !

« Pas si vite, Frankie ! Je m’en doutais. Et me voilà ! »

C’est la voix de mon Roger Russel en uniforme de la garde nationale. La maison est en feu. Ça fait un bruit d’enfer. Le vent se lève sur ce brasier improvisé. Il faut lutter pour ne pas se laisser entraîner. La chaleur devient menaçante. Mais le manteau épais de Roger me protège. Je me retourne encore une fois, la dernière. luce se dresse dans cet enfer, magnifique et nue. Ses tétons laissent échapper une flamme bleue. Ses cheveux et ses poils refusent d’entrer dans la danse. Ils se tortillent mais ne crament pas. Dans le genre diabolique, on ne fait pas mieux. Je devrais me réjouir et exprimer ma reconnaissance mais je pense à la pension. Je suis pauvre désormais. Certes, il me reste Justine.

 

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