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Le récit ruisselant (Pascal Leray)
6- Prière agnostique

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 Article publié le 24 mai 2020.

oOo

Jeu

 

 

Si ce puzzle n’a pas de forme,

Il ne nous reste qu’à l’entendre.

Il est peut-être là pour nous apprendre

Qu’il n’a pas de forme.

 

Du moins nous sera-t-il donné de le savoir. Sinon peut-être de l’imaginer. Il nous étonnera encore, toujours car on ne saurait s’en lasser.

 

Il n’aura pas de forme,

Il en empruntera beaucoup.

 

Si ce puzzle parvient à nous apitoyer car il s’écrie sans être, il saura inquiéter nos incapables pores

 

Jusqu’au sinistre calme.

 

 

 

 

 

 

J’ai baigné dans la neige.

Mon bonheur fut aussi solitude.

Mais la nuit me louait

Et mon livide amour

M’accueillit du silence des âmes.

Je me suis agenouillé.

 

J’étais jeune et fiévreux,

Déjà triste et heureux,

En-deçà, au-delà

De ma douleur propre.

 

Et la neige était mienne.

Combien de steppes !

Je les ai toutes embrassées.

 

 

 

 

 

 

L’hérésie consommée,

Ma chair est encore vierge.

 

La calomnie

C’est de ne jamais répéter.

 

Le couple s’ouvre sans fantasme

Et ce n’est toujours pas la liberté.

 

La liberté, mon Dieu !

Je l’ai frôlée.

Elle est glaciale

Et même.

Je l’aime !

 

 

 

 

 

 

Si je suis multitude,

Ce n’en est pas moins lassant.

De toutes les cadences farceuses,

Il n’y a guère que la première qui prête à rire.

 

 

 

 

 

 

Ce soir était un incendie livide sur les bâtiments érigés de la ville.

 

Si l’incendie se calme, il se soulève en une large torche blême, traverse le ciel et ne disparaît pas mais il se réitère - et de nouveau je vois le rayonnant silence des astres.

 

 

 

 

 

 

 

Expression d’une colère

Beaucoup plus triste que violente

Fureur d’absence, vécu chaste

De jolie mémoire

Ton sinistre étonnement complexe pulvérise ta ta radio série d’images téméraires sévères. 

 

L’oiseau n’a vraiment pas de chance avec ses grandes ailes.

Il pleut des hallebardes sur son ventre nuageux.

Ses ailes battent encore.

 

 

 

 

 

 

J’ai en moi la tristesse d’une chanson russe.

Ma peau a la pâleur des nuages qui ensevelissent la capitale du silence.

Moscou est loin.

Moscou ne m’a jamais connu.

 

 

 

 

 

 

 

Impossible rocaille,

Ne suis-je pas idiot,

Moi qui te parle ?

Je te le demande.

 

Ne vois-tu pas que je te parle ?

 

Un troupeau maint

De moutons apaisés

Court sur mes mains.

 

Absente,

Je te crois ma vespérale.

 

 

 

 

 

 

 

L’idiote saison des amours

Va bientôt prendre fin,

Amour

Pulvérisée en souvenirs.

Je m’en irai demain,

Toujours.

Je me souviens.

 

Je te regarde

Parmi l’épaisse profondeur de ma ligne d’ombre.

L’heure s’est éprise,

Nous a convoités.

La veille encore nous croyions n’avoir plus l’âge

Qui nous revêtait 

Le long de ce voyage

Sans bagage.

Dénués,

Dévêtus,

Nous nous y sommes méconnus .

 

 

 

 

 

 

L’éternité n’était qu’une saison.

Nous nous y croyions

Les meilleurs fruits de cette terre.

 

Étrangers solitaires

Rencontré vers le large,

Puis transportés.

 

Mais le large n’a qu’un temps.

La pierre ne m’embrasse plus

L’océan circonscrit.

Je n’entends plus que des ruisseaux évanescents

De lave.

 

 

 

 

 

L’idiote saison des amours

Va bientôt prendre fin,

Amour,

Pulvérisée en souvenirs.

Je m’en irai demain,

Toujours.

Je me souviens.

 

Je te regarde

Bien avant que l’heure se soit éprise de nous convoiter/

La veille encore nous croyions n’avoir plus l’âge

Qui nous revêtait.

 

Le long de ce voyage,

Dénués,

Nous avons pu nous croire

Les meilleurs fruits de cette terre.

 

Nous nous y sommes méconnus.

L’éternité n’était qu’une saison.

 

 

 

 

 

 

Je voudrais être autant de vies

Que d’instants aujourd’hui

Hier et demain confondus.

Ma vie pourtant s’écoule.

 

Mon sablier, lui, ne connaît que sa proie.

 

Des parois de mon sablier

Qui me dit que je tombe,

Je connais l’obscurité.

 

 

 

 

 

 

 

Aux instants que je vis,

Qui se frôlent sans se rencontrer,

Qui se rencontrent mais jamais ne se connaissent,

Qui ne s’écoutent pas,

Qui gémissent, qui crient,

Qui ne seront jamais la symphonie

De ma respiration,

Je demande - qui naît ?

Aucun ne me répond.

Qui me propulse vers l’oubli,

Le grand oubli que j’oublie ?

L’art de leurs analogues oublis,

Lui aussi, je l’oublie.

Je voudrais être autant de vies

Que d’instants aujourd’hui

Hier et demain confondus.

 

 

 

 

 

J’avais à l’heure une idée sombre de la mort.

 

Je semblais l’agonie pour mieux la concevoir.

 

Je lisais les yeux embués par la terreur les vers d’un poète étranger.

A chaque vers qui s’éteignait.

Je refermais le livre et je soufflais,

Faible d’une expérience furibonde et pourtant décevante.

 

Impossible pour moi de pénétrer l’imaginaire.

Je ne me console pas de m’en soucier.

Je sais que tôt ou tard, on me le ravira.

 

 

 

 

 

 

Dédicataire tu n’as pas de nom.

Ton ombre règne,

Clarté dissipée,

Sur les prières qui te signent

Mieux que moi.

 

Absente ?

Je te crois ma vespérale.

 

Par douleur et par chance,

Notre crépuscule se renouvelle,

A chaque instant tombée de nuit.

 

Tu me parviens,

O chère disparue.

Flottaison de mes souvenirs,

Nous ne nous rencontrons jamais.

 

 

 

 

 

Pas de ceci,

pas de cela,

etc.

Et tout cela

au pas de l’oie.

 

J’aime les ordres.. 

Je leur suis contraire.

Ce sont mes frères

-------------- mordre !

 

Donne-moi le la

Et je le mangerai.

Je ne le digérerai pas.

Je t’en rendrai la plus faible harmonique.

 

Le la, je l’aime.

Ainsi que j’aime la vodka 

Quand je la sens à travers moi.

 

En mon intestin brouhahas,

Je ne suis plus qu’un trémolo.

 

 

 

 

 

Ce pourrait être une prière

Et cependant je danse.

Il est si drôle de danser en priant.

Si fastidieux, aussi.

Mais qu’il est réjouissant aussi d’invoquer Dieu.

 

Car Dieu n’existe pas.

Et l’être humain n’existe pas non plus.

Et moi ? Ce serait vraiment croire

Si je me croyais capable de croire.

Je crois que je ne puis croire en moi.

 

Alors je danse.

Et si je danse c’est de joie.

Car il est navrant de savoir que je ne suis pas,

Si j’existe ou si Dieu,

D’une lubie

Peut-être vaniteuse,

A invoqué mon sort

Tortueux et noueux.

Je danse.

Ce sont tous mes mots qui s’entremêlent.

Je suis si frêle,

Moi qui danse

Assis

Et immobile.

C’est la posture de ma prière

Car je suis un croyant groovy

Comme Jimmy Hendrix

 

 

 

 

 

Les souvenirs

Que je préserve en ma mémoire

Ne rencontrent pas l’amour

 

(J’ai éprouvé ce sentiment

 destiné au néant)

 

Mais seulement la vanité

De mon insane condition.

 

Pénombre froide de mon âme,

Refuge étouffant,

Je t’ai parcourue si longtemps.

Espoir,

De rencontrer la splendeur intestine

D’une vie spirituelle.

Échec !

Je ne connais que mes désirs.

Et je connais la peur.

Il n’y a rien ! D’autre en moi.

 

 

 

 

 

J’en resterai pour l’heure à Jean-Sébastien Bach.

Musique avérant l’impossible.

Un esprit seul.

Milliers de voix

En soi.

 

 

 

 

Soubresauts de l’ivresse au tout petit matin - aux bornes de la veille.

J’aime la rosée.

S’enivrer de ce vin particulier.

Embrasser l’essence même de la vie.

L’ivresse heureuse, calme, légère.

Et puis le lendemain,

J’y suis !

Parvenu de la veille,

Je rencontre après un tumultueux somme (tumultueux parmi mes vagues souvenirs) ma carne lourde, débonnaire.

Désir de me réitérer.

 

Le spectateur s’endort.

Et c’est le théâtre qui fond.

Et les acteurs s’écrient :

« Nos pitoyables jeux de mort

 vont bientôt prendre fin »

 

Épais rideau.

Les chandelles sur le front

Illuminent les visages des spectateurs.

 

(Je te rencontrerai

  ailleurs.)

 

 

 

 

 

 

Je voulais discuter avec la gamme de do.

Elle ne veut rien entendre.

J’ai dû la fâcher, hier.

Je l’ai peut-être calomniée.

(Mais j’étais ivre, nom de Dieu ! Comprendra-t-elle que j’étais ivre ?)

Et j’ai dansé toute la nuit

Sur l’exotisme d’une gamme indienne,

Captive des fantaisies

D’un musicien européen sans doute

Aristocrate

Et quelque peu farceur.

Je m’éveille ce matin.

J’ai perdu dans l’ivresse la gamme qui m’a si longtemps porté.

 

 

 

 

 

 

Excusez-moi, il faudrait que j’exprime sans talent une tristesse qui m’est chère (je ne l’ai jamais quittée).

 

Mes mots se taisent. Ils ne comprennent rien à rien.

Papillons cloués, vous êtes évanouis devant mes yeux.

C’est un spectacle insupportable de vous voir si morts.

Ô mon Dieu ! Vous me ressemblez.

Comme c’est triste.

(Justement, j’aurais voulu m’effacer.

Il ne me semble plus que moi

Pari vos vains ébats.) 

 

 

 

 

Et puis le ciel de ce matin est lourd et lui aussi me désespère.

 

Demeure Jean-Sébastien Bach,

Fragile réconfort.

 

M’est-il jamais venu de haïr la musique ?

Non pas une musique mais toute musique.

N’ai-je jamais voulu être sourd ?

Je veux me souvenir.

 

Car ce matin est triste et cependant il ne pleut pas.

Il n’y a rien à faire.

La pluie ne viendra pas.

Le café aigre aussi me dire que ma tristesse, ce n’est pas un mot ni même une coalition de mots mais une humeur folâtre et cependant qui se propage.

 

C’est un papillon évanescent,

Un minuscule insecte bourdonnant.

Bestioles de ma crédulité.

 

Voilà comme je voudrais croire.

Les mots me le dénient.

Tristesse.

 

 

 

 

J’ai tant écrit - et tellement d’inepties ! Qu’il me semble étouffer, quand j’écris dans ma chambre, assis à mon bureau, entouré de montagnes de papier noirci.

 

 

*

 

 

"Vous parleriez d’autrui, vous vous découvririez avec peut-être beaucoup plus de certitude."

Léopold Birguelehm

 

 

La fatale intrusion.

Un viol. 

 

*

 

 

Tu peux être la perte de mon existence.

Elle y était vouée.

Et ce n’est que ton intrusion qui me ravit.

 

 

 

 

Chercher, trouver, rencontrer.

Parfois découvrir.

Illusions d’âme.

 

Nous sommes toujours dans le vague. Rassurés ? C’est qu’il se renouvelle. Le peu perpétuel.

 

Je parlerai pour aujourd’hui

Car j’écris sans grand enthousiasme. Je n’ai rien à dire. Cela suffit-il à ne pas écrire ? Certes pas.

 

Silence.

 

Une gelure que je crois antérieure me surprend sitôt le repas consommé. Donc, j’ai froid et je voudrais me réchauffer (ce qui est naturel). Me vient l’idée que seule une femme y pourvoirait. La chaleur d’une chair contre la mienne.

 

Une voix (un geste)

 

Mon Dieu ! Je ne suis plus même amoureux.

 

 

 

 

Je sais que seules les montagnes ne se rencontrent pas (feignant pourtant de se courtiser). C’est ce qui m’apitoie.

 

 

*

 

Vivre sans projet - tel pourrait être mon projet (si seulement j’en avais un).

 

 

 

 

 

 

 

Étoile dont la pointe ne m’aveugle pas encore,

De la pénombre dans l’hiver où je naîtrai,

Étoile consanguine au destin différé,

Du presque du hasard du rien,

Rencontrés constellés,

Je t’accueille en mes veines permissives.

 

 

*

 

 

Révélation de l’ocre.

 

Feuillages

Pour nous aveugler.

 

 

 

 

 

 

 

Sommeil de plaine.

Un théâtre distant,

Embouchure momentanée pour autant de respirations.

Dissociation du souffle parmi l’air.

Plus loin, fripées, leurs vibrations honteuses.

(La juste entente différée,

Labeur de la nature, toujours parmi son atelier disséminé.)

Les herbes seules se taisent

Dans la floraison de leur posture.

Ici où la vie se dénude,

Un vent des pôles heurte et pétrifie.

C’est son silence .

Nul augure.

 

 

 

 

 

Sachons envisager nos rôles.

Fonctions nouées dans leurs contradictions

Instantanées inventives.

 

Les veines et artères de ce monde parmi nous,

Pas un seul de mes mots ne signifiera plus ou moins que l’univers, sinon lui-même,

Ne se libère de l’entier.

 

Évoquer, c’est drainer

Jusqu’à nos inconcevables libertés.

Effort démesuré, forcément inutile.

On ne se laisse jamais devancer par ses propres arrières.

 

 

 

 

 

 

 

Nos postures sont hypothétiques.

Nous voudrions survivre en nos demeures,

C’est notre fixité qui nous entraîne,

 

A peine pouvons-nous lever la main sur une fleur.

Du moins nous ne pouvons la condamner.

 

 

*

 

 

Si j’interroge ma raison :

"Et pourquoi le suicide ?"

 

Sans doute, les maudits privilèges que nous avons perdus, à demi, ont-ils cru naître, sinon être nés. Peut-être sont-ils nés selon leur choix.

 

 

 

 

 

 

Les toits résonnants.

D’immeubles pluies tombées.

Silencieux comme chair.

Aucune aile ne te songe.

 

Ces avenues ne nous inquiéteront pas.

 

Nos montagnes intactes chues d’erreurs

Inimaginables.

 

Défile ma paralysie.

 

 

 

 

 

 

 

Ce ne sont que prières.

Ce ne seront jamais que de prières.

Je ne puis que prier,

Espérer qu’elles soient miennes.

 

Devenir d’une goutte en suspens.

 

Ô chant ! Muet.

Champs.

Eau.

Source.

 

 

 

 

Ultime chute au spectacle

 

 

Secrètement la mort nous dicte nos carnages dans leurs moindres floraisons.

 

La liberté s’est tue.

 

A tour de rôle d’authentiques imbéciles voudront l’incarner. Puissants de la cécité de leurs sympathisants.

 

La sympathie,

Obédiamment folâtre,

Souveraine des hasards du magnétisme.

 

Et c’est la mort qui dicte tout cela.

 

Cruelles greffes, par pans de vie. L’empressement comme survie.

 

La mort ne parle pas de liberté. Mais nous l’interprétons, hâtivement, quitte à la séquestrer, sans altérer au point de sa libération.

 

 

 

 

 

 

Dans l’incertain tu te transgresses.

Et dans le va-et-vient,

Tu ne cernes que ta demeure.

 

Tu la veux pierre.

Tu connais la pierre

Et un foyer l’accomplira,

Ta retraite transie.

Ses flammes vagabondent seulement t’ennuient.

Chemin de chaude rêverie.

 

Si tu t’isoles, ne crois pas être seul.

Si on te parle, réponds simplement.

Si on te frappe, ne te défends pas.

Ta valse consanguine ne te perdra pas.

 

 

 

 

 

 

 

Ma très-chère mort,

Si je t’écris encore,

Ce n’est pas que j’ai peur.

Je ne songe qu’à toi.

 

Riante ubiquité,

Tu m’accompagnes aussi.

Indolemment que tu m’attends,

Je te sais près de moi,

Au bout de mon chemin.

 

Mon ambition est pieuse

De nourrir la terre.

Tu es ma saisonnière.

J’attends que tu m’accueilles.

 

 

 

Endéans la grande ville

 

 

Ces avenues sans nom ne nous feront pas peur.

 

Personne

N’existe que l’entité vague de la ville.

 

Aucun bâtiment n’a tant d’yeux.

Progression qui n’avance

Ni élève

Mais qui précipite endéans.

 

 

 

 

 

 

 

La vie est la réflexion prismatique de la mort.

 

La mort cependant seule est vraie, ce que la vie dénie, qui la voudrait pitance.

 

La mort, en son infinité, bafoue les prétentions mimétiques de la vie car la vie se ressasse, bégaie. Dira-t-on, afin sans doute de se rassurer, que la mort en est incapable ?

 

Souveraine, oui.

Tu illumines notre peine d’exister.

Ma passion.

 

 

 

 

 

 

Quelle est la mère de toutes tes douleurs.

Toi qui nais orphelin ?

 

- Ma mère, je l’ai enfantée.

 Mais elle m’a jeté au ruisseau.

 Je ne la connais pas.

 Je ne la connais pas.

 Je ne la connais pas..

 

 

 

 

 

 

 

 

As-tu vu ma supplique tout à l’heure ?

Je m’y ensevelis.

Mais elle n’est pas encore, mon heure.

Elle me viendra discrètement,

M’emportera en mon sommeil,

Avec sourire elle calmera mes traits.

 

Tu la connais bien, ma supplique.

Je n’en ai pas ôté un mot.

Y ajouter ? J’étais si fatigué en l’achevant.

Je n’ai fait que dormir depuis.

Et quand je la redis, je bâille.

 

Je m’y ensevelis.

Elle viendra dans la nuit.

Je dors depuis

Que je te l’ai écrit.

 

 

 

 

 

 

 

Tu es poète.

Tu n’as point vécu ta mort.

Tu en as le désir.

Chéris sa naissance toujours.

 

 

*

 

 

Le chant imite et rectifie la mécanique respiratoire.

Le chant est soi-même respiration et accentuation de phénomènes respiratoires.

L’inégalité entre inspiration et expiration est aggravée.

L’idée, ici, serait une génération spontanée de souffle.

 

 

 

 

 

 

Un oiseau — et lequel ? Un oiseau qui se tait, s’envole quand nous le voyons, s’évanouit même, comme s’il n’avait jamais existé, notre mémoire le ressuscite et le questionne. Il en ira de la pierre des villes : c’est sa réponse que nous percevons à peine. Résignons-nous à ces éternels avant-goûts.

 

Battement d’ailes, sifflement sec et bruit dans les feuillages, nous vous dénions. Parlez-nous tout de même car le rire nous étouffe sans cela. En quête d’autres chants à bafouer, nous risquons de nous perdre.

 

Je m’adresse à toi : voici le Code pénal, oiseau et voici mon humanité. Tu as deux ailes pour les comparer.

 

 

 

 

 

 

 

J’étais ce ciel aussi qui tombait pesamment sur tes épaules, amour. Tu me croyais et je te conviais. J’étais un ciel, tu t’élançais vers moi car ma promesse était que je ne cloîtrerais pas. Nous nous rencontrions, aux confins pâles de ma déraison - plus loin, qui deviendrait la tienne, que tu embrassais - jusqu’à la foudre.

 

 

*

 

 

J’avais à l’heure une idée piètre de la mort

Mais le vertige est brusque qui sitôt s’apaise.

 

 

 

 

Gerbe

Le spectacle interdit

Le chœur des vierges

 

 

Que demander à la mort, puisque d’elle jaillit toute vie ?

Après quoi, on ne meurt pas : on se dénoue, on se multiplie, on se rend à soi-même, qui est l’univers.

 

Que demander à la mort ? Qu’elle tarde ? Ne serait-ce pas déjà un crime ? Le seul.

 

 

*

 

 

Il faudrait rencontrer l’inanimé, ne plus communiquer à travers lui mais avec lui, pour embrasser la mort dans sa vitalité. On y perdrait beaucoup de l’égoïsme qui régit nos peuplades. Car l’éternité se perpétue, c’est son cache-miroir, rend humble si elle perd.

 

 

*

 

 

La mort est une profusion de vie. C’est pourquoi le sommeil n’est guère qu’une demi-mort. Ce sont nos rêves qui la sauvent de la très-humaine paralysie.

 

*

 

 

La mort est inhumaine. L’homme, pourtant, n’est pas immortel. Telle est la détestable inégalité qui nous convie. Mais le crime d’un mort, dramatique pour les vivants, c’est son anarchisme partisan.

 

 

*

 

 

La mort, notre jalouse et polygame, secrète amante, nous convie là où nul ne nous attend.

 

A qui profite le crime ? A la vie, toujours. Il n’y a qu’elle qui tue. Acharnément. Mais en toute innocence.

 

 

*

 

 

Les cimetières se taisent. Que leur demande-t-on ? De préserver nos morts de la résurrection et ainsi de porter atteinte au cycle naturel de l’existence. "Assez de ces mutations, voudrait-on s’écrier, infinies vers l’infime !"

 

Et c’est par un semblable rite que l’homme tente d’affamer la nature. Et d’y substituer la sienne propre. Heureux échec. Hypocrisie de l’entreprise qui dit rendre à la terre ce qui est sien, qui y parvient mais toujours malgré soi. C’est bientôt l’invention du souvenir et pire : de l’âme.

 

 

*

 

 

Mort volontaire, tu n’es pas digne d’être crue

Moi qui ne suis qu’un fruit qui tombe mûr, y aurais-je songé ?

 

 

*

 

 

Si nous ne pouvons lire en l’avenir, il faut peut-être en tenir grief à nos duels incapables : à jouir, nous n’existons que sur l’instant. Tandis que la douleur est la concentration moderne du passé jusqu’à l’instant présent, dénie toute hypothèse du futur. Ainsi nous avançons, éperdument aveugles, malgré nous. La mort, voudrait-on du moins croire, est toujours derrière nous. Quand elle est tout autour. D’une immobilité restreinte.

 

 

*

 

 

La cause première de la mortalité, c’est la mémoire.

La cause première de la natalité, la mort.

 

 

*

 

 

La mort concerne seulement les proches. Lointains, objets de nos délestements, vous êtes différés. Le monde meilleur n’en est que sa vision élargie. Et vous communiquez, dénués d’interdits, sans distinction, avec un discernement incroyable.

 

Ainsi la ville qui point à l’horizon n’est pas celle de nos bâtisseurs. Qui seulement ne l’entend plus connaîtra ses réponses, c’est-à-dire une énigme terrassante mais unique.

 

 

*

 

 

La mort nous rend. Puis, elle se rend à nous. Nous prendra-t-elle jamais ?

 

 

*

 

Un homme qui se jette sur les rails au passage d’un train : frileuse exhibition d’un génie implacable.

 

 

*

 

 

La valse des vivants avec les morts peut sembler l’exploit du poète, son ubiquité.

 

 

*

 

 

La mort vaut-elle la peine de songer à autre chose ?

J’espère qu’elle ne nous dira jamais ce qui est vrai.

 

 

*

 

 

- Mystification !

La mort n’est dans l’imaginaire qu’une autre vie, toujours en mouvement, en laquelle il se réfugie.

Je ne la conçois pas. Cependant, elle me meut. Puissance sexuelle, chair de l’intangible.

 

 

*

 

 

Tout baigne dans une demi-mort au-dehors de notre champ de vision. Répétition : nos yeux nous parlent.

 

 

*

 

 

La mort, c’est le porte-parole de la vie. C’est aussi son laquais. Ce n’est pas son bourreau, pourtant. Ce métier-ci, la vie se déleste de l’accomplir.

 

 

*

 

 

J’avais un roman à écrire. Je m’y suis accouplé. Elle m’a défenestré. Tel est le pitoyable sort d’un poète dénué de muse. Ne me reste que l’heure, tour à tour mensongère.

 

 

 

*

 

 

La honte qu’il éprouvait pour avoir perdu tant de temps, pour l’avoir laissé s’écouler sans y graver labeur, s’amenuisait à mesure que ses traits le vieillissaient, qu’entre ses doigts tremblants sa cigarette inachevée se consumait. A présent, il se sentait pressé d’en finir. Mais il ouvrit les yeux, ce fut pour voir son clope à peine consumé. « Cigarette, lui dit-il avant de l’embrasser langoureusement, tu es vraiment la chienne de mon existence. »

 

Il laissa tomber d’éparses cendres sur son pantalon. Il voulut l’écraser mais la peur le cloua de se trouver seul, parmi la foule preste, les mains vides. Il n’y avait pourtant rien à attendre de la cigarette. Mais quelque chose en lui se refusait à la quitter.

 

Et cependant, s’approchant minutieusement des lèvres de son adversaire, la cigarette n’en finissait plus de rire.

 

 

 

 

 

 

Ne les voyez jamais.

Mes évocations sont nues,

Nuées de la saison

Mais dénuées de nom.

Mes émotions sont une.

Le reste n’appartient qu’à d’autres.

Je suis né sans âme.

Pulsion et raison je suis

Si tant tant est que je suis.

 

 

 

 

 

 

 

Comme une goutte tombe

Méconnue parmi la pluie,

Une feuille tombe.

C’est l’automne.

 

Ô toi très chère, tu n’es pas ma saisonnière. Mais je suis ton équinoxe.

 

 

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