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Séries spectrales et autres accidents
Et Carlo dans tout ça ?

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 Article publié le 25 septembre 2016.

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D’autre part, nous avons les séries de Carlo, cet artiste italien dont ont ne sait si on doit le classer dans l’art brut, du fait de sa schizophrénie.

La structure sérielle des peintures de Carlo Zinelli a été analysée par Michel Thévoz qui voit, dans la sérialité, précisément, un défaut de structure. La série fait office de structures, elle est totalement identifiée à la répétition.

L’organisation itérative de Carlo interroge car elle n’est pas le geste minimaliste d’un artiste qui serait dans l’épure. Elle apparaît à la genèse de l’expression. Elle est l’instrument obligé d’une expression nécessaire, ce qui nous ramène à l’art brut d’une part et au monde industriel de l’autre.

Autrement dit, nous avons dans l’art au moins quatre ou cinq univers de la série, bien distincts les uns des autres : celui de Claude Monet, qui est comme un hapax et qui trouve moins sa postérité dans la musique dodécaphonique que dans l’école spectrale, soit dit en passant ; celui de l’art conceptuel américain, qui s’inscrit dans la continuité de Webern autant que dans l’héritage de Duchamp, s’il en est un ; celui de la répétition pareille à la production en chaîne de l’industrie, qui alimente des secteurs très divers car nous en retrouvons la trace, d’un côté, dans l’analyse que fait Thévoz de la peinture de Carlo et, de l’autre, dans la méditation de Marc Le Bot sur la mort dans l’art, avec cette fois une référence au pop art et à Andy Warhol ; celui, enfin, de peintres qui ne sont pas nécessairement liés les uns aux autres (la recherche web sur le syntagme "peintre sériel" est assez intéressante à observer).

Voilà pourquoi des critiques d’art s’exclament, depuis une vingtaine d’années : "la série, en art, c’est vraiment n’importe quoi !" On ne peut pas vraiment leur en vouloir.

C’est dire que l’art contemporain a absorbé toutes sortes de valeurs de la série, alors que dans la musique le mot désignait une esthétique particulière et que, dans la littérature, c’est cette même inspiration musicale qui a longtemps prévalu avant de céder le pas en faveur de ce qu’Umberto Eco a défini comme une "esthétique postmoderne", qui était une esthétique de la sérialité propre à ce qu’on peut appeler, grossièrement, ’l’industrie du divertissement" : roman de gare, bande dessinée, feuilleton télévisé.

Dans la littérature, en somme, il y a une césure. Dans l’art, c’est très différent. On pourrait plutôt parler de dilution. Il a bien quelque chose qui s’appelle "série" en art, et même beaucoup de choses. Et ce, depuis longtemps.

Depuis les cabinets de curiosité, il y a des "séries de portraits" ou "de gravures", dans un sens lâche, générique, celui d’un ensemble de choses qui ont un trait en commun. On n’a pas théorisé cela. Et même Monet n’a pas établi une théorie de la série. Mais elle a tôt pris sa place dans la description empirique de la production artistique du XIXe siècle. Les choses n’étaient pas si compliquées, finalement.

Ce qui a compliqué les choses, c’est que le sérialisme musical, s’il a effectivement inspiré des œuvres. du domaine des plasticiens, n’a pas acquis dans l’univers des arts plastiques la consistance qu’il pouvait avoir dans son domaine d’origine.

On peut s’interroger sur la difficulté d’une méthode finalement assez souple et ouverte à occuper une position structurante au sein d’un univers connexe à celui de la musique. Pourquoi le sérialisme en art n’a-t-il pas pris, alors même qu’il pouvait s’inventer une généalogie dans l’œuvre de Monet ?

Je crois qu’il ne s’agit pas d’une incompossibilité des deux univers. La vie est faite de hasard. Il aurait très bien pu y avoir un grand courant sérialiste dans les arts plastiques. Et ça aurait certainement eu des incidences positives, d’ailleurs. Mais ça ne s’est pas fait.

Si les choses sont telles, c’est aussi parce qu’il y a eu un décrochage entre le monde de l’art et celui de la musique, pourtant tous deux étiquetés "contemporains".

Les artistes ont cessé de s’intéresser à leurs contemporains musiciens. L’inverse n’est pas moins vrai mais finalement moins significatif. L’influence des peintres sur les musiciens est, généralement, de l’ordre du subliminal.

Si les artistes des deux dernières décennies se sont intéressés à des musiques, c’est plutôt dans l’univers de l’électro et du clubbing qu’ils sont allés puiser. C’est dire que la pensée musicale ne les attire pas, d’une manière générale.

Et c’est cause que, dans le monde de l’art, quand on prononce le mot "série" on ne sait pas de quoi on parle.

Mais il y a des exceptions.

 

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